Chez Manu : pour que le jazz vive !

La Cave Romagnan

22 rue d’Angleterre – 06000 Nice – +33 (0)4 93 87 91 55 – http://caveromagnan.free.fr

Les lieux de jazz ont depuis longtemps suivi des trajectoires s’éloignant de leur origine. Musique populaire par excellence, le jazz a lentement glissé vers un intellectualisme et un maniérisme qui l’ont petit à petit éloigné de son public. Imaginez de nos jours des jazzmen reconnus reprenant la musique de comédies musicales comme « Dracula » ou « Robin des bois ». Pourtant, il n’y aurait aucune différence entre Miles Davis reprenant « Porgy & Bess » ou John Coltrane reprenant Hammerstein/Rodgers. C’est bien le constat que l’on peut faire de nos jours : le jazz n’est plus une musique populaire (au sens latin du terme popularis), il ne s’adresse plus à une majorité de gens, et les lieux où l’on peut le voir et l’entendre se font rare. Comment ne pas penser à tout cela quand on parle de La Cave Romagnan ?

La Cave ou Chez Manu, comme disent de façon affective les habitués, qui savent l’importance du maître des lieux dans la naissance et le développement de cet endroit unique. Après tout, ce « Bar à jazz », comme l’indique l’enseigne, est bien plus que cela. Véritable ilot de toutes les cultures, il est situé dans une petite rue populaire aux alentours de la gare de Nice. Sur la porte vitrée : affiches de théâtre, de concerts, d’expos. A l’intérieur : piano, livres pour une bibliothèque autogérée, Cd, le Courrier International, buste de Louis Armstrong et des expositions de peintures et photographies régulières. C’est confirmé, ici la culture est omniprésente.

C’est en 1998 que l’aventure a commencé. Manu se retrouve, par la force du destin, à gérer ce bar. Après quelques années consacrées à la sculpture, au cours desquelles il a  laissé dans le département, notamment, la tête au Lycèe Audiberti d’Antibes, quelques fresques et fontaines comme à Menton, la tentation de plus de stabilité le fait pencher vers cette Cave Romagnan. Son esprit définitivement porter vers l’artistique l’amène évidemment vers la musique. L’écoute journalière des émissions jazz de France Culture retransmettant des live enregistrés au Duc des Lombards ou au Petit Opportun, avec en fond des glaçons qui tintent dans les verres, conduit à donner forme à son rêve. Une soirée jazz à la Cave Wilson finit de le convaincre : il n’est pas nécessaire d’avoir un immense bar pour donner aux musiciens le confort et la chaleur dont ils ont besoin. La disposition des concerts se visualise déjà dans la tête de Manu. Il imagine enfin le chemin qu’il va offrir à sa Cave Romagnan.

cave

Au début, il démarche les musiciens après leurs sets sur d’autres scènes. Il laisse des cartes et contacte les groupes. Un travail qui traduit la passion pour cette idée de bar à jazz quand on connait la discrétion et l’effacement du personnage. Les samedi du Jazz se lancent doucement. D’abord une fois par mois puis deux, jusqu’à devenir hebdomadaires. La Cave Romagnan est appréciée par le public mais surtout par les musiciens qui aiment l’acoustique et la chaleur du lieu.

Mais il fallait bien un hic à cette belle aventure. Dés le début, les tracasseries administratives et policières s’enchaînent. Les procès aussi. La faute à un voisinage se disant gêné. Un voisinage qui finalement ne se conjugue qu’au singulier, mais un singulier avec du poids et du temps libre. Le troisième procès aurait bien failli décourager Manu si un élan populaire et spontané de signatures et de soutien sur les réseaux sociaux ne l’avaient pousser à continuer. Il a compris que La Cave Romagnan était devenue une institution qui le dépassait. Un lieu du jazz où les musiciens se savent bien accueillis et apprécient de jouer, ou le public privilégie l’écoute à la conversation. Les horaires se sont décalés pour finir à 22h, histoire d’en terminer avec le problème, ce qui n’est pas un avantage commercial, mais ce n’est pas le plus important. L’essentiel c’est que le jazz puisse continuer à exister dans ce lieu. Tout comme les soirées poésie, philo, théâtres (A tour de rôle) et Open Mic qui alternent les mercredi.

Dorénavant, ce sont les musiciens qui le contactent pour jouer. Ils viennent du département bien sûr, mais aussi de Norvège, Suède, Allemagne, Pologne, Autriche, Suisse, Russie, Japon, Australie, USA ou Canada. Le booking est assuré pour 6 mois. Une fierté bien dissimulée derrière la barrière de timidité de Manu. Tout comme le fait d’avoir reçu la plupart des professeurs du conservatoire : Christian Pachiaudi, Franck de Luca, Jean-Marc Baccarini, Philippe Petit, Tracy, Fred Luzignant ou le regretté François Chassagnite. On voit même poindre un sourire de plaisir à l’évocation de Luca Begonia, ce tromboniste italien qui a provoqué une véritable file d’attente de cuivres sur le trottoir, chacun attendant sagement son tour pour envoyer un chorus. Tous ces souvenirs de centaines de formations ayant jouer dans cette, désormais mythique, La Cave Romagnan constituent l’histoire du lieu. On pense aussi à son avenir, une pérennité assurée, des formations inédites qui s’y produiraient et, pourquoi pas, un live enregistré à La Cave Romagnan, histoire de donner une dimension définitive à son entrée dans la grande histoire du jazz.


Ecrit par Trane
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