#PORTRAIT : Art Pepper – Artiste sulfureux

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S’il a aujourd’hui un statut de légende, le saxophoniste et clarinettiste Art Pepper aura passé sa courte vie à jouer à la roulette russe ses rendez-vous avec l’histoire du Jazz. Heureusement, 70 disques sous son nom et plus de 90 comme sideman témoignent encore de son génie.

A 17 ans, déjà reconnu comme l’un des plus brillants solistes de l’orchestre de Stan Kenton, au succès phénoménal avant guerre, il mourut en 1982 à… 57 ans… sa célébrité retrouvée après une longue éclipse. Souvent répertorié comme musicien « West-Coast » car, habitant Los Angeles et, tout juste adolescent, il y jouait d’égal à égal dans les clubs de  « Central Avenue » (l’équivalent californien de la 52° rue de New York) avec Zoot Sims, Dexter GordonCharlie MingusJay Jay Johnson, Shelly ManneJoe Morello, Lou Levy, Scott LaFaro, Barney Kessel, Stan Getz ou Mel Tormé… tous des pointures !

En fait, bien au delà de cette classification réductrice, il était surtout doté d’une extraordinaire originalité mélodique et rythmique, doué d’un swing tonique et d’un son reconnaissable dès la deuxième note, et pourvu d’une technique phénoménale (qu’il prétendait pourtant ne jamais travailler). Grand admirateur de John Coltrane…« la recherche incessante de la différence, de l’avant-gardisme,  de la modernité. Coltrane a fait ça »… écrira-t-il, il était aussi fan  de Miles Davis dont il « emprunta » les musiciens pour enregistrer, au pied levé, deux chefs d’oeuvres : « Art Pepper meets the Rhythm Section » avec Red Garland (p), Paul Chambers (b) et Philly Joe Jones (dms),  en janvier 1957, puis, en février 1960 : Art Pepper Quintet Wynton Kelly (p) remplaçant Red Garland.

Hélas, hélas, si l’artiste était magnifique, l’homme avait quelques problèmes « personnels »… Dans « Straight life », son autobiographie (Éditions Parenthèses 1989) écrite avec Laurie Pepper, sa dernière épouse, il n’en fait pas mystère. Cédant depuis son adolescence à ses pulsions (sexe, alcool, drogues), causes de démêlés sentimentaux, de manque permanent d’argent, et, même de privation d’instruments, (gagés pour dettes), il aura vécu un enfer une grande partie de sa vie. Alternant les séjours en prison (près de quinze ans en tout…), les cures de désintoxication, il ne sortait que le temps de quelques concerts ou de séances d’enregistrement.

 

Au milieu des années 70, quasi oublié, il entreprit une série de concerts au Japon et en Europe et, en juillet 1980, il était programmé, à Nice, à La Grande Parade du Jazz, pour deux prestations passées presqu’inaperçues, faute d’information. Mais, quand Georges Wein, en vrai magicien de la programmation mit à l’affiche le 11 juillet 1981 : Buddy De Franco, Dizzy Gillespie et James Moody, Gérard Badini, Philippe Baudoin, Major Holley, Chuck Berry, Maxim Saury, Elvin Jones et aussi… le “Art Pepper trio” avec George Cables (p), David Williams (b), et Carl Burnett (dms), le public fut au rendez-vous. Selon les usages de la La Grande Parade du Jazz, la formation, revint les 16, 17, 19 et 20 juillet, pour, chaque soir, des sets bouleversants.

Pepper joua en urgence avec une fougue et un lyrisme intenses, comme si sa vie en dépendait. La concurrence des autres scènes était sérieuse mais, dans les parages,  Richie Cole, Stan Getz, John Lewis, Elvin Jones, Woody Shaw, Dexter Gordon, Cedar Walton, Buster Williams, Billy Higgins, Lee Konitz, Elvin Jones, Clark Terry, Larry Coryell et même le débutant Michel Petrucciani, ne purent qu’être conquis. Aussi à l’aise au sax ténor, qu’à la clarinette, qu’il fut l’un des premiers à sortir du ghetto du “New Orleans revival” pour l’imposer dans le jazz moderne, Art Pepper fut, au sax alto, l’un des premiers à se démarquer de l’héritage de Charlie Parker en ouvrant et en balisant pour cet instrument, alors en disgrâce, des pistes que, David Sanborn, Kenny Garrett ne se privent pas d’emprunter aujourd’hui avec talent.

Ecrit par Imago records & production

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