#PORTRAIT Shirley Horn La pianiste qui chantait

SHIRLEY HORN

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Il y a quelque chose de vain à écrire sur la musique et les musiciens. Quelle que soit la langue utilisée il n’est pas sûr qu’il existe des mots pour décrire cette émotion qui nous submerge à l’écoute de certaines mélodies, de certains instruments, de certaines voix.

À quoi bon essayer alors ?

Peut-être parce que l’humain est ainsi fait que par instinct grégaire, il veut à tout prix partager ces émotions avec les autres, ne pas être seul ; écouter de la musique en public est ainsi une aventure magnifique qui consiste à sentir monter autour de soi une tension forte qui stimule rend fort, rend heureux. Seulement voilà, il y a des artistes que nous ne verrons jamais : leur âge, leur nationalité, le manque de salles, et tant d’autres raisons font que l’écrit seul peut rendre le lecteur curieux ; et bien sûr, restent les disques…

Shirley Horn est de cette race-là : à donner du bonheur. Née en 1934 à Washington, ville qu’elle ne quittera guère durant son existence. Elle s’initia au piano sur le vieil instrument de ses parents issus de la classe moyenne noire, puis suivit les cours d’une université prestigieuse (Howard University) étudiant notamment Debussy et Rachmaninov. Mais le jazz déjà l’attire. Elle joue dans divers clubs de sa ville, jusqu’au soir ou dans le public, on lui demande de chanter, elle s’exécute alors et devant l’accueil, elle ne cessera plus, tout en s’accompagnant elle-même. Des musiciens connus la remarquent, lui bâtissent une réputation qui lui fait enregistrer son premier album en 1960 « Embers and Ashes » Miles Davis aime, elle est invitée par celui-ci à sa première partie au Village Vanguard. Un succès certain est là ; elle enregistre deux albums en 1963 chez Mercury, joue avec Quincy Jones, passe à la télévision.

Mais pour elle la vie de famille prime, elle met sa carrière entre parenthèses pendant près d’une décennie pour élever sa fille et, à partir de 1970 on ne l’entend plus guère sauf à aller l’écouter dans le petit club qu’elle possède « The place Where louie Dwells ». Le batteur Billie Hart la sort de son relatif silence, elle enregistre de nouveau, voyage en Europe. Une redécouverte pour le public qui trouve alors une chanteuse à la voix chaude, parfois rauque, parfois douce, sublimée par un phrasé et un timbre modulés à la syllabe près, se mariant d’une manière étonnante avec un clavier aux subtilités mélodiques dont elle maîtrise magistralement le tempo, comme dans «  There’s no you/ Why did i choose you- Lazzy afternoon 1978)

C’est dans les titres lents que cette pianiste qui chante provoque l’émerveillement, elle joue constamment avec le silence, frise l’arrêt total, mais jamais n’y tombe, dramatise, mais sans jamais flirter avec la provocation ou le caprice.

A partir de 1987 elle enregistre une série d’albums : Softly- You won’t forget me- The main ingredient- d’autres encore, avec son trio (Charles Ables – basse / Steve Williams -batterie) et se produit en public, invitée par de prestigieux musiciens, Buck Hill – 1988, les Marsalis – 1991, Toots Thielemans – 1991, ou en récital au Châtelet à Paris -1992. Elle triomphe en Europe et chez elle en 1997, avec un Hommage à Miles Davis après sa disparition…

En 2000 elle enregistre le magnifique « You’re my thrill » et, en 2003, elle nous donne son dernier album accompagnée par Ahmad Jamal puisque désormais la maladie l’empêche de jouer, son titre ? « May the Music Never Ends ».

Jamais, c’était une nécessité pour elle, ça l’est plus que jamais pour nous.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Shirley_Horn

 

Ecrit par Jean Bellissime
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