« Salut Bibi » par Sebastien Chaumont

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Salut Bibi.

– « Pour toi c’est Gilbert« 

Aloura ? Quoi de neuf ?

– « Cinq et quatre ! »

Oh ! Merci Maîîître ! …

Et oui ! A question con…

Voilà Bibi Rovère ! Peu loquace.

Pas besoin d’être bavard quand on est le Swing soi même. Rebonds ! Rebonds ! Toute une vie de rebonds jusqu’au grand saut dans le silence.

« Cinq et quatre » Neuf…

Neuf piges pour nous et l’éternité pour vous Maîîîître ! 9 ans… L’âge de mes filles… Vous vous êtes croisés, toi et elles… Parler aux morts je trouve ça extrêmement vulgaire alors disons que c’est à ton Génie que je m’adresse… Disons que de petits morceaux de souvenirs je me fabrique un joli totem, une statuette, une icône de « Saint Bibi de la contrebasse » à qui je ferai part de mes lancinantes considérations de Bopeur errant à la recherche d’un après Gilbert Rovère

Alors voilà, depuis ta dernière sortie de scène Bibi, on se fait, sache le, infiniment chier. Ah oui mon cher ! Toi tu t’en fous, t’es mort. Minute ! Loin de moi l’idée de te le reprocher. Repos bien mérité, c’est entendu! Éternellement mérité même. Tu t’es assez promené le long des précipices, frôlé la « grande inspiratrice » et pas qu’un peu ! Côtoyée de près même… On peut pas dire que tu te soies économisé… Alors bon roupillon.

Tiens ! Pour te dire, Je la vois reluire d’ici ton âme vadrouillante sur les sentiers de la grande inconnue, enfin libérée du poids des choses… Légère enfin… Désolidarisée du monde ton âme… De ce tout petit monde bien foireux, décidément peu affable avec les artistes de ton envergure. Enfin, tout de même Maîîîître ! C’était un peu vache de décaniller comme ça… De nous laisser comme des cons… Ta garde rapprochée… Nous ! Tes petits grognards… Cons comme des apôtres un vendredi saint…

Bon Dieu ! Quel héritage… On est fadé ! Laisse moi te dire que si tu nous voyais aujourd’hui cafouiller dans cet infini merdier tu te fendrais bien la gueule…

Je le dis et c’est pas du tout que ça me fasse moi marrer. Ah du tout! Il n y a rien de drôle à devoir gagner sa croute, jazzHoteux saxophonisss ou autre dans de telles conditions… Et je ne m’étalerai pas, mais Pardon! Les conditions! Enchristés dans un monde du spectacle alors que le monde entier a viré spectacle ? L’affaire est glandilleuse… Toi tu t’es cogné les yéyé et c’était déjà bien toc! Nous, on nous assassine à coup de concepts. De conceptuels bobards à s’en faire sauter l’imagination! A servir chaud et à consommer bien vite… Vite! Toujours plus vite, et pourvu qu’on s’en prenne plein la truffe! Que les images et les sons nous pètent à la gueule! Un vrai festival… Mais c’est pas la « grande parade » !  Plutôt la grandissime troufiniolade ! Les yeux rivés sur les écrans, les oreilles calfates au mp3. L’air extrêmement jouasse pour maquiller un cafard qui lui n’a rien de conceptuel. Mais, faut avoir l’air de s’amuser attention! Alors… De ces gigantesques mondanités! A voir! De ces inaugurations de centres commerciaux! Et de ces bling-blingissimes expositions « d’oeuvres d’art qui feraient trop bien dans mon salon »… De ces cocktails! Oh la la! De ces festoches de JAAAzzz et de ces carrés VIP ! Tous copains copines pourvu qu’on s’embrassouille un verre à la main, dans l’autre le téléphone, insatiables connectés de la grande « likerie » compulsive. Couillon et vulgaire à t’en foutre des berlues. Soit! Je sais pas si tout ça t’aurait tellement amusé finalement…

Mais bon… C’est très photogénique ! Ah oui, because je t’ai pas dis que le monde entier avait viré paparazzi !? Faut voir ça. De ces orgies de bras en l’air. Mitrailles ! Que je te tire le portrait de long en large ! Faut voir… De ces grands reporters ! Ça fait comme des lucioles tout autours quand tu joues… Mais, faut vivre avec son temps. Et son temps c’est l’image… Pose, Clic clac! Tag et bigle. Écrase! Ramène pas ta flûte ! T’es pas content ? Tu veux ta photo ? Non c’est bien. Tout va bien. Je voyage…

D’un pays l’autre kif mouscaille.

A entendre les mêmes insipides cancans couverts par les pires assourdissantes et répétitives mièvreries électroniques, j’ai un peu de mal à y croire à la grande émancipation de l’individu via « l’internationale » numérique… A ce progrès qui n’en fini plus de nous casser les oreilles, nous niquer les châsses et nous atrophier le cassis…

Pire que le pastis…

Moi, je t’aurais bien vu là au milieu, toi Bibi le génie ou Bibi l’affreux… Et là c’est moi qui aurais rigolé…

Je sais ! Je sais ! Rien de vraiment nouveau c’est le règne de la quantité… Patati !  Avec infiniment plus de moyens de s’abrutir à grand renfort de BPM et d’infra basses. Autant dire que Le jazz à papa là dedans… Bibi Rovère, Barry Harris les mineurs 6 et tout le tintouin c’est pas gagné ! Dans la réserve avec les apaches… Et encore…

Moi je suis bien conseillé, pas à dire…

– « Mais de quoi tu te plains ? C’est Open bar ma gueule! Regarde donc! Vois tu pas que La plus insignifiante greluche, que le dernier des narvallos deviennent célèbres « d’autor » sur you tube ?! Graines de stars et crème de gourde! La belle affaire! Le pactole à coups de like ! Alors vas-y ! Dégaine ton mojo ! Tire dans le tas! Be Famous! Beat electro, FB, Twitts ! Instagram ! Un petit clip.

L’heure est à la réduction ! Réduit ! Résume ! Abrège ! Condense ! Comprime ! Hop ! Django, Bird et David Guetta dans le même paquesson ! Jingle ! Pub ! Chacun sa page de fan et qu’on en parle plus ! Que ça te plaise ou pas. Allez ! Avec ton biniou vintage et tes tatouages tu vas faire un vrai tabac ! Raide comme balle ! »

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… Je suis Google… La bonne blague… Je suis que dalle… Bataille d’échantillons de tout et n’importe quoi sur étales numériques. Désolé, moi ça me coupe le Guignol ces conneries…  Je suis pas client.

Oh bien sûr, on se la traversera la sombre et crétine époque… La notre  comme toi t’as traversé la tienne et ses horreurs… Comme les suivants la leur, mais eux ne s’en rendront pas compte, trop occupés à s’hypnotiser à coup de selfies… La chance que moi j’ai eu… Qu’on à eux… D’apprendre…

Nous, à ton « école »… D’oelsnitz, Giraudo, Micaleff, Serra, Chaumont… Et les autres … Ceux que t’as aimé aussi entièrement que tu les a envoyé chier… D’apprendre énormément… avec peu de compliments… Ou alors, aussi pesé qu’inattendu… Avec une généreuse vacherie derrière comme pour nous éviter le pire… La grosse tétère ! Le pire ! L’âme embastillée dans le besoin de reconnaissance.

D’apprendre de toi Bibi, fort de ton expérience… De ton savoir et de ton talent. D’apprendre… Toujours des vérités… Parfois bien douloureuses pour nos petits moteurs narcissiques, mais tout à fait essentielles pour ne pas se perdre sur les sentiers tortueux des mouvements d’accords et du style… D’apprendre… Que ça se paye. L’Art. Le style. Qu’il faut y mettre la peau et le reste. Entièrement. Le toutime! Que sinon ça pue le gratuit. Que sinon c’est du flan. Du simili. Chansonnette à peine valable pour emballer les rombières et faire jaser les connaisseurs. Apprendre à écouter, enfin au delà des notes ou des mots… Pour entendre « au fond de toutes les musiques l’air sans note, l’air de la mort. » …

Jazz modernistick, ce chouette blaze. Le nom de ton premier et de ton dernier orchestre. Dernière fournée. Boucle bouclée… La belle équipe…

Le sublime énergumène Bibi King et nozigues, les roupiots, vrais petits ouvriers musiciens trop le nez dans le guidon pour s’inquiéter des étiquettes qu’on nous collerait sur le pot. Un seul mot d’ordre, pourvu que ça sonne ! Juste et vrai ! Pas l’un sans l’autre. Et n’hésitez pas à swinguer des la première mesure les copains !

Le reste… C’est l’affaire des autres…

L’affaire de ceux qui ne t’ont pas connu… Pas aimé… Pas appris… Ceux qui n’ont rien payé… Qui n’en jouent pas du Jazz et qui n’en mourront pas. Mais qui en parleront beaucoup mieux que moi et qui eux seront payés pour ça.

 fr.wikipedia.org/wiki/Bibi_Rovère

Ecrit par Sébastien Chaumont
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