#Interview : Erik Truffaz

Le Jazzophone rencontre le trompettiste Erik Truffaz dans sa loge, à la scène 55 de Mougins, peu avant l’heure des balances.

Si on en croit les biographies, vous jouez de la trompette depuis l’âge de 5 ans. Est-ce que vous avez toujours voulu en faire votre métier ?

A 5 ans peut-être pas. Mais dès l’adolescence oui, sûrement. J’ai joué dans un orchestre de bal à 13 ans.


Et le jazz, c’est venu tout de suite aussi ?

Non, je faisais de la variété, après du jazz-rock, ensuite je suis venu vers un jazz moins amplifié.

Très vite, dès votre deuxième album, vous intégrez le prestigieux label Blue Note. Pouvez-vous nous raconter comment s’est faite la rencontre avec eux ?

C’est une série de hasards. Quand j’avais 18 ans, j’étais prof de piano. Un de mes anciens élèves était à un concert que j’ai donné à Avignon. Il travaillait pour EMI. Il m’a dit : « Si tu veux, je peux essayer de leur passer ta nouvelle musique. En échange, je deviendrai ton manager si cela réussit ». Et il se trouve que EMI avait un label de jazz Home Records qui a fermé. Ils étaient d’accord pour me prendre, mais ils ont fait faillite. Et au même moment, le label Blue Note aux Etats-Unis souhaite ouvrir un département depuis la France. Et j’étais prêt. Et voilà ! C’est un bon coup de chance.

Si on excepte Out Of A Dream en 1997, plutôt dans le style hard bop, vous vous détachez vite des canons du jazz américain pour métisser votre musique.

Oui, tout à fait. Avec le bassiste Marcello Giuliani qui vient juste de passer, on jouait de la musique dans les clubs qui étaient plus Drum and Bass, et on faisait aussi partie d’un groupe de rap. Et du coup, cela nous a influencés. Et nous allions jouer à Londres une fois par mois. La résultante est « The Dawn » (Blue Note -1998).

Et c’est l’album qui vous a fait connaître d’un plus grand public ?

Ah oui, tout à fait.

Dans les albums suivants, il va y avoir un peu de pop, de rock, de l’électro ?

Oui, il y a toujours ça !

Comment choisissez-vous la direction que va prendre votre musique, à chaque nouvel album ?

Il n’y a pas que moi qui choisis. Je dois avouer que l’on travaille beaucoup avec Marcello Giuliani. Et là, c’est lui qui m’a présenté les nouveaux musiciens. (Raphaël Chassin à la batterie, Matthis Pascaud à la guitare, Alexis Anérilles aux claviers). Ensuite cela passe souvent par des rencontres. Pratiquement tous les invités qui sont sur mes albums sont des gens qui m’ont invité auparavant, que j’ai croisés et entendus dans des festivals.

Est-ce que les musiciens de votre quartet, les invités sont impliqués dans ces choix, dans la conception de l’album.

Les musiciens du groupe oui, les invités pas vraiment.

Est-ce qu’ils vous proposent des compositions ?

En général oui, mais pour le prochain album, ce sont des reprises de musiques de film. Mais les autres albums, on les a composés, arrangés ensemble. Ce n’est pas : ils arrivent, et c’est tout fait. On met des bouts par-ci par-là, puis cela devient l’album.

Les voix sont aussi apparues très vite dans vos albums. Qu’est-ce qu’elles apportent à votre musique ?

Oui, déjà le rappeur à l’époque, puis Sly Johnson ou Christophe et Oxmo Puccino.

C’est important la voix pour votre musique ?

Disons qu’avec les voix on peut faire des chansons ; et les chansons c’est très important dans la vie.

Est-ce que les voix contribuent à installer les climats particuliers associés à chaque album ?

Non, ça les complémentent plutôt. La base est la musique instrumentale. Mais la voix est aussi un véhicule populaire. Les titres les plus téléchargés qui me font connaître dans le monde sont ceux avec les voix.

Vous avez dit un jour que vous aimiez bien que vos albums fonctionnent comme un roman, comme un film avec un scénario avec des moments forts et d’autres plus légers ?

Oui tout à fait. Et les concerts c’est comme ça aussi.

C’est particulièrement vrai dans votre dernier disque en date « Lune Rouge ».

Ah oui, en effet. Il y a des moments où cela se repose, puis d’autres où ça s’accélère. Mais chacun peut se faire sa propre histoire.

Ce qui est une transition toute trouvée pour le nouveau projet que nous allons entendre ce soir, « French Touch », où vous reprenez des thèmes de musiques de film du cinéma français. Vous pouvez nous parler de la genèse et de la construction de ce projet ?

L’idée est partie d’une invitation au festival du cinéma d’Angoulême. Le directeur et la directrice m’ont invité à jouer des musiques de film pour la cérémonie de clôture. C’était très chouette à faire. Le label Blue Note est revenu vers moi pour me re-signer, et je leur ai proposé ce projet. Ils ont été partants.

Est-ce que « Lune Rouge » va continuer de tourner en parallèle ?

De moins en moins. On a encore quelques concerts prévus. Par contre Benoît Corboz qui joue les claviers et qui a mixé « Lune Rouge » va mixer aussi « French Touch ».

La scène reste importante pour vous, ou vous pourriez vous contenter de faire des disques ?

Ah non, non, la scène c’est formidable ! C’est un peu comme une drogue, on a du mal à s’en passer. On transmet quelque chose aux gens, on reçoit quelque chose en retour. C’est un moment unique, c’est merveilleux.

Il n’y a donc pas de lassitude ?

Pas du tout. La seule chose dont je peux me lasser sont les transports en avion, les déplacements, mais pas la scène ! Tous les efforts qu’on fait tendent vers ce moment-là, la scène !

Et il prend son chapeau et sa trompette pour aller fignoler les balances avec ses musiciens

https://www.eriktruffaz.net

Ecrit par Jacques Lerognon

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