INTERVIEW : Les 30 ans de Paolo Fresu

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 Tous les ans, Paolo Fresu fait le bonheur
des amateurs de jazz, non content de
revenir avec un nouveau répertoire, il
aime prendre son temps pour expliquer, en
excellent français, pourquoi il joue un thème
ou à quelle occasion lui est venue l’inspiration
et pendant ce temps là… bla… bla… souffle le
pianiste Roberto Cipelli dans son
dos mais il n’y a pas de quoi
énerver l’artiste, ses musiciens
sont des copains et ils le connaissentPaolo-Fresu
Un musicien et compositeur, il faut
le rappeler, un peu différent des
autres, n’hésitant pas à ironiser
avec délicatesse sur les injustices
sociales et les politiciens véreux, il
est celui qui accepte toutes les
aventures musicales hors des
sentiers battus comme l’an dernier
avec Daniel di Benventura puis
avec l’ensemble Corse A Filetta ou
avec un DJ, pour ce dernier CD
c’est l’amitié avec ses musiciens de
ses débuts qui a primé.
Paolo Fresu : Le premier titre de
l’album s’appelle Chiaro, c’est un
thème à moi où il y a un tempo très
balancé, un peu binaire, c’est un
thème un peu radiophonique, il y a
un DJ qui joue dedans, ça, c’est une
bonne représentation de ce qu’on
joue, en fait il y a la liberté, l’idée
de divertissement je fais aussi une
chose avec mon Iphone, le morceau
s’appelle Foglia, c’est l’histoire
d’Andréa mon fils que j’amène à
l’école, c’est un titre dédié à
l’imagination.

JP L : On sent une sincère amitié
pour tous les musiciens qui jouent
avec toi depuis longtemps, tu les
mets souvent au premier plan ?
Paolo : La musique du quintet, c’est
un peu l’addition de la personnalité
de chacun, il y a les compositions de tous et il
faut choisir un thème de chacun, c’est la vraie
idée du quintet… il y a un thème de Tino, la
Chouette dans son style qui est très bizarre,
il y a un thème d‘Attilio qui est très libre
avec une mélodie très simple. Moi, j’aime
beaucoup l’idée de partager la musique avec
les musiciens avec lesquels j’ai un rapport
qui est bien au delà de la musique sinon, ça ne
marche pas… on est depuis 31 ans ensemble
et, si on est encore ensemble, ce n’est pas
seulement pour la musique, c’est pour ce qui
est derrière la musique, s’il n’y a pas quelque
chose à partager quand on monte sur scène,
on peut peut-être moins bien jouer, le public
rentre à la maison et il oublie complètement.
JP L : Quels sont tes nouveaux projets ?
Paolo : Avec Benventura, nous allons composer
une musique de film, je joue aussi avec des
virtuoses italiens, c’est le groupe de musique
de chambre avec qui on joue la musique
baroque, ce sont des choses complètement
différentes… c’est l’idée de toujours essayer
quelque chose mais, on ne se sent ni dieu, ni
assis sur la chaise, on va enregistrer un triple
CD avec le pianiste Uri Caine, avec lui on a fait
à Milan une carte blanche au théâtre au mois
de mars et on a joué trois répertoires pour
trois soirées, un complètement lié à la
musique baroque, un autre à la chanson pop
et un troisième lié à la musique originale,
il y a un triple disque qui sort avec les trois
répertoires, l’année prochaine, on va refaire
une tournée avec le guitariste Ralph Towner,
ensuite avec Omar Sosa avec qui je viens
d’enregistrer en studio, je prépare
mon festival en Sardaigne, c’est la
28e édition, on commence à devenir
un vieux festival italien, cette
année, c’est le thème des ailes, je
démarre, moi, en concert dans un
avion, je joue tout seul dans l’avion.
JP L : Quelles réflexions as-tu
tirées de ton périple musical dans
de nombreux villages de Sicile,
l’an dernier?
Paolo : C’est resté dans l’histoire,
c’est quelque chose d’unique, une
chose comme ça ne s’est jamais
passée dans le monde, cette idée,
50 jours, 50 concerts, 50 projets
différents, avec les musiciens, on a
fait un livre, un film, et édité 5 CD
JP L : Si on pouvait donner une
définition du jazz actuellement,
quelle serait-elle ?
Paolo : Ca dépend de ce qu’on
pense quand on parle jazz, je me
sens plutôt vers la saturation
des notes mais dedans, je suis
complètement jazz, il faut qu’il y
ait l’esprit du jazz, le jazz, c’est
d’abord le swing, c’est aussi la
liberté, la créativité, l’idée que
chaque soir, on peut faire une
chose différente. Si chaque soir je
fais la même chose, à la fin ça
devient un métier, je pense que
pour nous, c’est faire le métier à
haut niveau et en même temps,
essayer de déconstruire le métier
chaque jour pour que ça devienne
de l’Art. Ce sont des mots énormes, parfois ça
marche, parfois non.
Paolo Fresu parcourt la planète et au
croisement d’un chemin, d’une scène, d’un
studio, il fera encore d’autres rencontres ou
naîtront peut être d’autres projets et même
séparé de ses premiers compagnons d’arme,
il sait que le succès est arrivé avec eux et
que c’est avec eux qu’il fêtera son prochain
anniversaire musical.

Ecrit par Jean-Pierre Lamouroux
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