#Jazz & #Ciné : « Le Blues de Ma Rainey »

Adaptation cinématographique de la pièce de théâtre Ma Rainey’s Black Bottom (1982) d’August Wilson mettant en scène la chanteuse de blues Ma Rainey, ce film conte l’histoire de la naissance du blues et du jazz modernes, le passage d’une forme d’entertainment » (amusement, distraction…) comme disent les Américains, à une forme d’art, sans doute l’une des plus importantes du vingtième siècle, si ce n’est LA plus importante.

L’adaptation de la pièce d’August Wilson, située à Chicago en 1927, donne à Chadwick Boseman son dernier rôle, et à Viola Davis, l’occasion d’effectuer une performance, qui, s’il est une justice cinématographique, (2 Oscars !!!), tant son implication dans le rôle est énorme, et se rapproche de celle de Robert De Niro dans « Raging Bull ». Le film dont le titre original « Ma Rainey’s black bottom » (« Le cul noir de Ma Rainey« ) est beaucoup plus parlant, restitue la gouaille et la sexualité  libérée de ces Afro-Américains, ce que le monde blanc n’arrivait pas leur enlever. Filmé comme la pièce de Théâtre dans le respect absolu des trois règles du théâtre antique : Unité de lieu, unité d’action, unité de temps, ce drame se situe lorsque les Noirs quittent le Sud profond et ses plantations pour aller vers le Nord, vers ces métropoles qui offraient plus de débouchés que les tristes Etats du Sud, rongés par le racisme, la ségrégation, et le puritanisme. Il est à cet égard significatif que la véritable nature de Ma Rainey soit montrée dans sa vérité crue : chanteuse et redoutable meneuses d’hommes, bisexuelle, minaudant avec les hommes, mais se comportant avec les filles comme un  véritable macho, redoutable femme d’affaires, elle incarne une étape importante de l’évolution de la diaspora afro-américaine et de sa musique, une sorte de parcours long et douloureux vers un futur plus radieux.

Pour produire et illustrer ce film, traitant d’une période d’une importance capitale dans l’histoire de la culture de la communauté Afro-Américaine, deux figures majeures de cette même culture ont allié leurs efforts: Denzel Washington est à la production, et  Branford Marsalis en a écrit la musique. Venons-en maintenant à l’interprétation : le regretté Chadwick Boseman est excellent dans le portrait d’un jeune trompettiste  virtuose et révolté, désirant de toutes forces créer une musique nouvelle, qui fait par bien des côtés (physiques y compris) penser à un Miles Davis avant l’heure : la même élégance, la même insolence. Quant à Viola Davis, son interprétation de l’intransigeante Ma Rainey est époustouflante : enlaidie, grossie, elle donne vie à un personnage « bigger than life » (« hors du commun », en français) illustrant de manière impressionnante ses contradictions, et celles d’une époque. Que l’on soit un amateur de jazz ou simplement de cinéma, il s’agit là d’un film immanquable. Bob Dylan comparait (dans « Tombstone Blues »), Ma Rainey à Beethoven, disant que l’une était musicalement aussi importante que l’autre. Il n’avait sans doute pas tort…

« Le Blues de Ma Rainey » à voir sur Netflix

Ecrit par Gilbert D'Alto

Les commentaires sont fermés.

  • Les concerts Jazz et +

  • Le Jazzophone