#Jazz & #Cinema : Billie Holiday une affaire d’état

Encore un film sur Billie Holiday ! Mais il faut dire que la plus grande chanteuse que le jazz ait connu a eu une vie digne d’un roman noir, si j’ose dire… Drogue, prostitution, exploitation, et harcèlement policier faisaient ou avaient fait partie de son quotidien dés son plus jeune âge. De l’enfance malheureuse à la gloire, de la richesse à la déchéance, de la passion (amoureuse, et aussi charnelle) à l’abandon et même la prison, rien, et surtout pas le pire, ne lui fut épargné.

Le film se concentre particulièrement sur sa chanson « Strange fruit », manifeste anti-raciste à travers le récit d’un lynchage, chanson qui déplaisait fort aux autorités conservatrices de l’époque, le F.B.I en tête. Ne pouvant décemment arrêter un telle  vedette pour ses opinions, aussi radicales fussent elles, ils choisiront de l’attaquer sur sa consommation de drogues, en particulier l’opium et l’héroïne. Jusqu’à la fin, sordide, où ligotée sur son lit d’hôpital, elle continue à être harassée par les autorités. Par bonheur, son admirateur et ami Frank Sinatra réussit, grâce à ses amis de la Mafia, à soudoyer les policiers qui gardaient sa chambre et lui faire porter de l’héroïne, ce qui lui évita d’ajouter les affres du manque à l’isolement et la maladie. La performance de Andra Day demande le respect. Incarnant Billie dans toute sa splendeur et sa vulnérabilité,  jouant sur le fil des émotions, endossant le rôle dans tous ses aspects, elle est tout simplement magnifique. La comédienne et chanteuse s’est investie totalement dans le rôle, ne reculant pas devant les scènes de nu ou de sexe, parfois violentes, ne craignant pas non plus de s’enlaidir lors des scènes de prison ou de la déchéance alcoolique de Billie, atteinte d’une cirrhose du foie. Comme l’est le scénario, qui ne cache rien des travers de Billie, sa dépendance aux hommes, aux femmes (pour la première fois est mentionnée à l’écran sa relation homosexuelle avec la grande star de Broadway Tallulah Bankhead), et son irrésistible besoin d’amour et de justice, en vain. « Je suis rapidement devenue une des esclaves les mieux payées de la région, je gagnais mille dollars par semaine, mais je n’avais pas plus de liberté que si j’avais cueilli le coton en Virginie. » disait-elle… Et son perfectionnisme musical, son refus des compromissions, et son jusqu’au boutisme social. Pour ce rôle, Andra Day obtint le Golden Globe de la meilleure actrice, ainsi qu’une nomination aux Oscars. Un mot également pour la performance de Garret Hedlund, que nous avions laissé « Sur la route »dans le film de Walter Salles où il incarnait Neal Cassady, et qui est absolument impeccable dans le rôle du détestable Harry J. Anslinger. Une mention spéciale aussi  pour Tyler James Williams dans le rôle difficile de Lester Young, saxophoniste de génie et ami, mentor musical et confident de Lady Day. Que l’on soit amateur de jazz ou pas, un film à voir toutes affaires cessantes car il décrit aussi, à la manière d’un Nick Tosches dans « Dino », ce que ce dernier appelait la « sale industrie du rêve »… Un must.

Ecrit par Gilbert D'Alto

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