C’est au grand écrivain, le regretté Jean-Patrick Manchette qui en était un fan, que nous empruntons ce titre pour parler d’un style de jazz particulier qui connut ses heures de gloire au milieu des années cinquante en Californie, sur les rives de l’océan Pacifique.
Mais comme le jazz n’en est pas à un paradoxe près, c’est à New York que ce style vit le jour ; grâce, une fois plus, à l’un des plus grands créateurs de styles jazzistiques qui fut, j’ai nommé Miles Davis. En effet, pionnier du be-bop aux côtés de Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Thelonious Monk et Bud Powell, Miles se lasse vite des outrances du bop, musique d’écorchés vifs, agressive et indansable. Il aspire à un retour au calme et à la mélodie. Aux côtés de son complice de toujours l’arrangeur Gil Evans, Miles réunit en 1949 un orchestre de neuf musiciens qui jouent d’instruments inhabituels pour le jazz (cor, basson, hautbois) et créent une musique luxuriante et apaisée, aux antipodes du be-bop et aux textures riches et fort agréables, et c’est la naissance du cool jazz. Le titre de l’album qu’ils enregistrent est à cet égard significatif, et sonne comme un manifeste : « Birth of the Cool ».
Et si New York est encore le temple du bop, c’est en Californie, précisément à Los Angeles, que les expérimentations de Miles trouvent un écho plus que favorable chez de jeunes musiciens, blancs pour la plupart, sensibles à cette fusion (déjà !) du jazz avec des harmonies venues de la musique classique européenne. À leur tour, ils vont explorer cette voie, que Miles lui-même va leur exposer lors d’une tournée sur la côte Ouest en 1952. Et les élèves, forts des enseignements du maître, vont se frayer un chemin de leur cru. Parmi eux, les saxophonistes Gerry Mulligan, Art Pepper et Stan Getz, le trompettiste Chet Baker, le pianiste anglais Victor Feldman, le flûtiste Bud Shank, le tromboniste Frank Rosolino et bien d’autres encore. Cette musique, qui semble être la bande-son idéale du style de vie hédoniste pratiqué en Californie à l’époque, rencontre immédiatement un grand succès et Chet, Getz, Mulligan et les autres deviennent des stars et leurs disques se vendent à la pelle. Hollywood, par l’odeur du dollar alléché, fait appel à eux pour des musiques de film, et hélas, beaucoup alors abandonnent leur créativité pour les confortables revenus réguliers que leur assurent les studios, et parfois, cessent même d’enregistrer sous leur nom. Le jazz West Coast n’aura vécu que quelques riches années, mais nous aura laissé une poignée de chefs-d’œuvre intemporels. Quant à Miles, il était déjà ailleurs, mais c’est une autre histoire…