#Jazz & #Littérature : « Barney Wilen, Blue Melody »

Premier et seul (à ma connaissance) livre consacré à l’une des figures les plus originales du jazz français, le regretté saxophoniste niçois Barney Wilen, « Blue Melody » écrit par cette grande plume qu’est Yves Buin, psychiatre, écrivain et critique de jazz, spécialiste de Jack Kerouac et de la littérature Beat, vient à point pour nous remémorer l’oeuvre incontournable et passionnante de ce météore.

Confronté très jeune à la gloire (à 20 ans !) grâce à la bande originale du film « Ascenseur pour l’échafaud » de Louis Malle où il est le sideman de Miles Davis en compagnie de trois autres musiciens parisiens chevronnés : René Urtreger, Pierre Michelot, et le batteur américain Kenny Clarke, le franco-américain Barney Wilen continue à participer à des musiques de films, qui sont de grands succès, tels que « Les Liaisons dangereuses » de Roger Vadim ou « Des femmes disparaissent » d’Edouard Molinaro. Il se produit dans les clubs de Saint-Germain, avec les ténors (sic) du be-bop Dizzy Gillespie, Art Blakey, Bud Powell (avec lequel il joue du sax alto en compagnie du jeune Wayne Shorter au ténor !). Il participe au festival de jazz de Cannes en 1958, et y rencontre de nombreuses vedettes de la scène ou de l’écran (dont Sacha Distel avec qui il enregistrera un disque), amoureuses de son jeu, de sa sonorité veloutée, et de sa nonchalante élégance. Il y croise le fer avec quelques géants du calibre de Stan Getz ou Lucky Thompson, et s’en sort avec brio. Mais le be-bop commencera à le lasser après quelques années  de pratique de style, car  Barney se trouve alors devant la sempiternelle question qui obsède les saxophonistes à l’époque : comment dépasser l’indépassable, à savoir Charlie « Bird » Parker, sans l’imiter ?

La réponse viendra quelques années après, au milieu des années soixante, avec l’émergence du free-jazz et de la pop music, une révolution dans laquelle Barney va totalement s’engager aussi bien musicalement que philosophiquement, et politiquement. Il enregistre le 1er disque de « Free-rock » français « Dear Prof.Leary » dédié à Timothy Leary, le « prêtre du LSD« , avec un groupe international dont font partie l’allemand Joachim Kuhn au piano et à l’orgue et l’italien Aldo Romano à la batterie. Puis, à son habitude, il disparaît quelques temps… « La présence au monde de Barney Wilen est fluctuante, sinon évanescente »  écrit Yves Buin.

Puis, surprenant tout le monde, en 1969, il part en Afrique avec sa compagne d’alors Caroline de Bendern, l’égérie de Mai 68, à la rencontre des musiques pygmées et autres. Un film de cette aventure doit être réalisé, et un disque enregistré, qui retraceront ce périple. Seul ce dernier verra le jour.

Suivent quelques années d’errance où l’on perd plus ou moins sa trace. On le retrouve à Londres, à New York, puis de nouveau à Paris, et ensuite dans le Sud de la France, à Marseille et à Nice. Il forme le Jazz Hip Trio, avec entre autres Charles « Lolo » Bellonzi, ancien batteur de Claude Nougaro, et s’essaye par ailleurs à la musique électronique. Puis c’est le retour en grâce en 1987, avec le disque illustrant l’album de BD « Barney et la Note Bleue » de Paringaux et Loustal, très librement inspiré de la vie de  Barney.   Les deux sont un  grand succès, et remettent Barney sur le devant de la scène. Le coffret BD + CD vient d’être réédité ce mois-ci, avec des bonus et un enregistrement datant de 1989 d’un concert au « Petit Opportun » avec Jacky Terrasson (piano), Gilles Naturel (contrebasse) et Peter Gritz (batterie) qui comprend plusieurs morceaux issus de « La Note Bleue »

Surfant sur le succès, il enregistre plusieurs albums de jazz pur, dont « French  Ballads » composé de classiques de la chanson française, puis « New York Romance » enregistré comme son titre l’indique, à New York, avec un quartet de haut vol : Kenny Barron (piano), Ira Coleman (basse) et Lewis Nash (batterie), ainsi qu’une tournée au Japon, qui à donné lieu à l’édition de deux enregistrements de concerts live : l’un à Osaka et l’un à Tokyo, avec Jacky Terrasson au piano, qui sera remplacé par Olivier Hutman à Tokyo.

Il décède d’une crise cardiaque à Paris le 25 mai 1996, à l’âge de 59 ans. Un livre passionnant qui retrace la vie d’un musicien exceptionnel dont la vie et la musique se sont déroulées hors des sentiers battus.

Yves Buin « Barney Wilen Blue Melody » Editions Le Castor Astral

Barney Wilen « La Note Bleue » First official re-release after 34 years.

Ecrit par Gilbert D'Alto
  • Les concerts Jazz et +

  • Le Jazzophone