Jazz & Littérature : Ronald L. Morris « Le jazz et les gangsters »

Les amateurs de jazz ou de cinéma connaissent bien les rapports plus qu’incestueux de Sinatra ou Dean Martin entretenaient avec la pègre, Nick Tosches le raconte très bien dans sa biographie  »Dino » (Rivages) mais dans cette étude, le sociologue Ronald R. Morris fait remonter à la fin du 19e, cette association entre jazzmen et mafieux. Il utilise plutôt les mots plus évocateurs de racketters, mobsters ou bootleggers.

Dans cet ouvrage, l’auteur développe une thèse : si les gangsters juifs et italiens (les principaux donc) se sont intéressés au jazz, à la musique des noirs c’est que, comme eux, ils étaient déracinés, venue de l’immigration de la pauvreté et que pour survivre dans ses conditions il fallait de la tolérance, chose que les américains, les WASP, n’avait guère, méprisant plutôt les petites gens. Et comme le jazz n’est pas né dans un salon de thé, les fournisseurs de boisson et de plaisir en tous genres eurent bien vite besoin de donner à voir et à écouter, à ceux qui fréquentaient leurs salons de musique, leurs juke joints, leurs clubs miteux. Ronald Morris va même jusqu’à comparer les maffiosi aux mécènes de la renaissance italienne, sans eux pas de Duke Ellington, pas de Earl Hines, pas de Armstrong. Al Capone et les Médicis même combat, c’est presque réjouissant. Le coté parfois aride de la narration (une thèse universitaire) est compensée par la formidable documentation et par la passion pour le jazz (jusqu’en 1940) que développe l’auteur. Une passion que partage le traducteur et préfacier du projet le musicologue Jacques B. Hess.

Photo : Earl Hines, 1939, par William Gottlieb

Ronald R. Morris « Le Jazz et les gangsters » Le Passage Editions.

Ecrit par Jacques Lerognon
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