#Jazz & #Polar : King Zeno de Nathaniel Rich

1918, la guerre prend fin en Europe, à La Nouvelle Orléans, le jazz prend son essor dans les petits clubs, les bougies de la ville.

Isadore Zeno, dit Izzy, un jeune cornettiste brillant vit de rapines pour survivre car comme il le dit lui-même : « Le jazz ça ne paie pas aussi bien que voler les Paddies« . Surtout qu‘Izzy ne veux plus jouer de ragtime, il veut jouer du jazz, son jazz. Mais 1918, c’est aussi la mise en œuvre de l’Industrial Canal(1), vaste projet industriel qui reliera le lac Pontchartrain au Mississippi. Beatrice Vizzini, veuve d’origine sicilienne, dirige, de main de maître la compagnie en charge des travaux. Elle est surtout la patronne de la mafia locale, déjà bien implantée dans le sud du pays. Une ambition démesurée elle fait tout pour assurer l’avenir de la famille et la respectabilité de son business. Béatrice n’a pas le moindre état d’âme. Feu, son mari, en témoignerait. Le fragile équilibre, si l’on peut dire, qu’elle maintient, va être bouleversé par une série de meurtres. La presse locale, déjà sensationnaliste, a vite fait de surnommer l’assassin, « L’homme à la hache ». Une nouvelle charge de travail pour William Bastrop, dit Bill, un flic qui revient du front, hanté par les horreurs qu’il a vu dans les tranchées. Entre deux cauchemars, il va devoir trouver le tueur. La rumeur désigne déjà un nègre, cela arrangerait tout le monde. Suspect, Isadore va abandonner ses rapines pour travailler à la construction du canal. Et quand on creuse dans les marécages, on déterre souvent des cadavres déjà oubliés. Mais Izzy poursuit, envers et contre tout, son rêve de devenir King Zeno. Buddy Bolden est mort et King Oliver est parti vers le nord. « Sur Palet On The Floor, il improvisa une conversation entre une femme en pleurs et un homme indiscipliné doté d’une voix de baryton« .
Au-delà de l’intrigue policière, le roman de Nathaniel Rich est surtout une chronique sombre mais qui swingue de La Nouvelle Orléans. On passe des bars enfumés d’où s’échappent des notes de trompette et les odeurs de bière, aux belles maisons cossues et fleuris du Garden District, puis au détour d’une page on visite le chantier bruyant et malodorant du canal industriel. Et, à chaque fois, le style, la langue, le vocabulaire (brillamment rendu en français) s’adapte. On découvre cette ville en pleine expansion, au début d’un boom économique mais aussi en proie, aux prévarications, au racisme et à la fameuse épidémie de grippe espagnole. Mais le lecteur garde en tête, cette réjouissante musique du diable, comme on la nommait alors!

Note (1) Le canal sera bien construit, il sera détruit près de cent ans plus tard par l’ouragan Katrina, en 2005.

King Zeno de Nathaniel Rich – Cadre Noir – Le Seuil – Traduit par Camille de Chevigny.

Ecrit par Jacques Lerognon

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