#Jazz & #World : 
La vie en flûte improvisatrice !

Musicien exemplaire, Jean-Luc Thomas a fondé sa vie et sa musicalité sur l’improvisation. Breton d’origine et armé d’une flûte traversière en bois récupérée de la fin du 18e siècle (vulgairement connue comme flûte baroque avant de devenir la flûte moderne en métal d’aujourd’hui), il ne connaît aucune frontière et ne s’est jamais senti intimidé par aucune musique.

Le résultat : des centaines de rencontres musicales inédites et improbables condensées en une trentaine d’albums (pour la plupart parus sous le label Hirustica et distribué par l’Autre Distribution) en collaborant avec des musiciens traditionnels ouest-africains, les maîtres de la musique savante du nord de l’Inde, les musiciens de bals populaires du nord-est du Brésil et les jazzmen avant-gardistes planétaires (notamment le top tubiste, Michel Godard). Kerlaveo est l’ouvrage le plus récent de cette collection.

A l’occasion de sa parution, un film documentaire très instructif et touchant, Le Souffle de la Terre (réalisé par Laurent Benhamou – production Hirustica) retrace le parcours de cet homme au travers de sa flûte improvisatrice ! Cet interview est un passage microscopique de notre rencontre humaine.

Tu as un long parcours riche où tu distingues le Trajet avec des Projets !

Jean-Luc Thomas : En musique, on est souvent impliqué dans beaucoup d’activités. Le système nous fait croire que l’important se trouve dans les projets. En fait, ma conviction est que le trajet est beaucoup plus important car il retrace tout notre parcours, notre chemin guidé par le hasard des rencontres impossible à imaginer au début et qui nous dépasse. Il faut se rendre disponible, être présent au monde et aux autres. C’est ce que j’essaye de faire avec la flûte parce-que ça demande beaucoup de travail. C’est une maîtresse très exigeante mais elle m’a donné l’occasion de rencontrer des gens magnifiques. Grâce à la flûte, j’ai vraiment sauvé ma vie. Je pense qu’elle m’a donné vraiment envie de vivre, d’aller vers l’inconnu et d’apprendre. Telle une boussole protectrice, elle me sert de guide dans ce monde imprévisible.

Spiritualité, dans son terme noble, fait toujours partie de tes programmes ?!

Jean-Luc Thomas : Le projet nous impose de vivre comme si notre vie tenait dans un écran de contrôle. Or, ce n’est que 1% de la vie ; 99% sont hors de cet écran et sont des choses qui arrivent tous les jours. J’ai toujours souhaité inclure l’improvisation dans ma musique parce que durant toute notre vie, on improvise la plupart du temps. Les gens improvisent chacun leur tour lorsqu’ils se rencontrent et ils vont accomplir des choses qui les surpassent. Inconsciemment, je réalise à présent que c’est ce que j’ai vécu. Sans avoir besoin d’écrire des livres avec des dogmes précis, je peux affirmer : soyez disponibles, soyez à l’écoute, sachez accueillir ce monde qui est magnifique.

Toi et moi, on se rencontre et on se comprend… bien que tu viennes de la musique bretonne et moi du jazz, les deux ont l’improvisation en commun ?!

Jean-Luc Thomas : J’ai un ami qui m’a dit : « La musique traditionnelle, notamment la musique bretonne, c’est le thème et le jazz commence quand le thème s’arrête. »

Qui est ton flûtiste de jazz favori ?

Jean-Luc Thomas : De toute évidence, Roland Kirk. Il a marqué un tournant irréfutable dans ma vie de flûtiste. Quand j’ai découvert Rahsaan, l’exigence musicale, l’humour, la surprise, la fantaisie, l’anarchie, la rigueur, différents au demeurant, font en fait partie intégrante de l’univers de Roland Kirk, par ailleurs grand érudit du jazz. Il connaissait très bien tous les standards et maîtrisait ses instruments et saxophones. En même temps, il rajoutait son réveil, ses petites cloches, ses flûtes nasales et mettait de l’humour dés que ça devenait un peu trop sérieux. Donc, Roland Kirk possédait ce qu’il manque parfois en musique : l’auto-dérision, et s’en passer, l’oublier devient dommageable… et quel groove !

www.jeanlucthomas.com

Ecrit par Sir Ali
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