#JAZZ&LITTERATURE Jazz à Mort

 

Jazz à mort par Corinne Naidet
Les personnages de ce recueil de nouvelles s’appellent Albert Ayler, Art Pepper, Billie Holiday, mais aussi Rodney King, Rosa Parks ou bien encore Jean Michel Basquiat. Des instantanés dans les vies tourmentées, cabossées de quelques musiciens, quelques artistes souvent obligés de dealer, de braquer afin de se payer la came. Ainsi Pepper pris la main dans le sac par un flic, qui finira par lui donner un billet parce que Chili Pepper était son album favori. On y croise la Dame aux gardénias, fleur bien flétrie à l’hôpital, sur les draps sales d’un hosto à Harlem. Une lumière souffreteuse, la nuit opaque, et les chevaux de la mort piaffant derrière la porte. Quelques pages plus loin, Thelonious Monk écoute passer le temps pendant que deux jeunes cambriolent la maison où il vit, survit. À l’écoute de Ruby, My Dear, ils suspendront leur vol. Dans Marvin et Rosa, le jeune trompettiste Marvin est assis dans le bus où Rosa Parks ne cédera pas sa place. Est-ce pour cela que le musicien (Marvin Stamm ? effectivement originaire de Memphis, il pouvait se trouver dans un bus en 1955) pourra  « inventer tout le reste, la musique dans la tête » ? Marc Villard nous laisse improviser sur ces tranches de vie. L’on est certes dans l’intimité des jazzmen, mais l’auteur n’oublie pour autant pas la société alentour, et la condition miséreuse de la communauté noire aux États-Unis particulièrement à l’avènement du be-bop ou du free.
Quelques pages suffisent à l’écrivain pour nous plonger dans l’ambiance glauque des quartiers de Harlem, Los Angeles ou encore Tijuana. Ses références sont multiples et il s’amuse à faire se rencontrer, se croiser anonymes et artistes, putes, musiciens, arnaqueurs. L’espoir est mince, la chute est proche et le monde est moche. Il reste les moments hors du temps, quand, par exemple, après le meurtre de son père, Le jeune Théo peut avancer avec allégresse vers l’indépendance des quatre membres, cela aide quand on veut tâter de la batterie. Ou bien encore Albert Ayler jouant à la Fondation Maeght à St Paul de Vence, le lendemain dans un camping du coin. « Les mecs en short, les nanas en bikini et Al, complètement parti avec son biniou. « 
Réalité, fiction, on s’en moque; avec ces récits, l’on plonge « dans une contrée inaccessible aux mortels. »Si tu vois ma mère, Marc Villard, Cohen & Cohen, 2017

Ecrit par Corinne Naidet

Les commentaires sont fermés.

  • Les concerts Jazz et +

  • Le Jazzophone