Le Jazzophone

Saviez-vous, chers lecteurs du 2e numéro de notre remarquable magazine, qu’il y eut précédemment une autre revue consacrée au jazz qui portait le même nom, ce qui d’ailleurs nous inspira pour créer la nôtre ? Saviez-vous également que ce nom est tiré de celui d’un instrument de musique ?

En ce qui concerne l’instrument, en voilà la description :
«Le jazzophone est un instrument de musique de la famille des
cuivres dont l’embouchure et les pistons sont similaires à ceux d’une trompette mais dont le corps rappelle la forme du saxophone, bien qu’il n’ait rien à voir avec ce dernier. Il possède deux pavillons, l’un étant ouvert et l’autre à clapet. L’interprète ne peut utiliser que l’un des deux en même temps, mais il peut passer de l’un à l’autre afin d’avoir le son tantôt d’une trompette, tantôt d’une trompette bouchée.»

jazzophoneIl est certes peu usité, mais néanmoins il existe ! On peut d’ailleurs se demander, vu son nom, pourquoi les jazzmen ne se sont pas plus souvent penchés sur son cas, mais il semble qu’il ne soit pas l’un des plus faciles à jouer…

_BJ_Vignette

Quant à la revue, première du nom, elle fut créée par le regretté Alain Guerrini, passionné de jazz, fondateur du label Open Records sur lequel Sixun publia ses premiers disques, et qui fut également directeur du CIM (Centre International de Musicologie) dont le sous-titre est « l’école du jazz et des musiques actuelles ». On vit dans ses murs Louis Winsberg et Alain Debiossat du groupe Sixun, Angélique Kidjo, Olivier Ker Ourio, Christophe Dal Sasso, Marc Thomas, Philippe Laccarière, Bojan Z, Julien Lourau, Youn Sun Nah, Magic Malik, ainsi que M (Matthieu Chedid) et Muriel Moreno du groupe Niagara. La rédactrice en chef était son épouse Christine Guerrini, et les rédacteurs faisaient partie des plus grandes plumes de la critique jazz hexagonale. Qu’on en juge : Pascal Anquetil, Franck Bergerot (qui deviendra par la suite rédacteur en chef de Jazz Magazine), André Francis (la voix du jazz sur France Inter), Jean Buzelin de Jazz Hot, Alain Gerber, futur Prix Goncourt… Sous une présentation austère (noir et blanc de rigueur, seule la couverture était en couleurs), de très complets dossiers sur les instruments, la composition, les musiciens français ou étrangers, les sessions du CIM, des chroniques de disques, des anecdotes…

Jazzophone 07
Un peu ce que nous essayons de faire ici. La revue était trimestrielle (comme celle-ci) mais sa parution fut assez irrégulière, les rédacteurs étant bien sûr absorbés par leurs autres activités, qu’elles soient musicales ou littéraires. On pourrait également citer l’humour des couvertures (une crevette dont la queue se termine en saxophone, par exemple…), les scoops (une interview inédite de Coltrane !), les études complètes sur des sujets rarement abordés par la presse, même spécialisée (l’école de Berklee, les big bands), et des petites nouvelles de fiction, pleines de fantaisie, aéraient aussi l’ensemble. Les portraits de musiciens évitaient l’évidence (les stars) pour se consacrer à des musiciens peu connus mais néanmoins importants comme Roger Guérin ou Ivan Jullien (qui vient de nous quitter, R.I.P.). S’y ajoutait parfois un supplément de petit format, consacré à un sujet particulier, par exemple la crise du disque (en 82, déjà !). On y trouvait aussi des débats sur des sujets rarement abordés en dehors des colloques officiels ou du MIDEM, comme les problèmes de diffusion, la SACEM… Hélas, elle ne rencontra qu’un succès relatif et dût cesser sa parution.

Jazzophone 13La revue exista de fin 1979 jusqu’au milieu des années 80 (février 1984 pour être exact) et compta dix-sept numéros. Abordant le jazz d’une manière peut-être un peu professorale, elle fut néanmoins une bible de renseignements pour les passionnés. De plus, les sujets abordés étaient oecuméniques, et pouvaient concerner aussi bien le New-Orleans que le plus débridé des musiciens free. Elle pouvait aussi aborder l’approche complète d’un instrument, comme elle l’a fait pour le vibraphone lors de la dernière parution. Revue certes pointue, mais nécessaire, elle eut évidemment fort à faire avec la superficialité des « années-fric » et dut abdiquer. Aussi ne sommes-nous pas peu fiers de reprendre ici, de modeste façon, son flambeau.

Jazzophone 14http://lecim.com/

Ecrit par Gilbert D'Alto

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