#LiveReport: Festival Jazz à Junas, Day #5 : Minots Jazz Gang, Le Sacre du Tympan, Kutu

Dernier soir où les carrières du Bon temps se sont illuminées pour célébrer le jazz…Et de quelle façon, les tympans ont bien mérité leurs sacres et ce fut un final sous l’égide de bardes abyssins. Soirée commencée par le concert de fin du camp musical où les plus jeunes ont fait, à leur façon, la fête au jazz !

Cinquante-trois enfants ont suivi cette année le Minots Jazz Camp. Sous l’œil vigilant mais surtout bienveillant de Samuel Silvant, Guillaume Séguron, Elsa Scapicchi et Bozo, leurs professeurs, mais surtout accompagnants, ces jeunes ont montré au nombreux public (certes les parents, mais pas que…) un éventail complet de leurs talents. Du slam, des poèmes, des chansons – « chamallow-cha », un régal – un orchestre où une section composée de trois demoiselles au saxo, flûte et cor en Fa (difficile à placer, celui-là dans un orchestre jazz) accompagnées de percussions et claviers nous démontra que la valeur n’attend pas le nombre des années.

Un moment très émouvant, pour la plupart, c’est la première approche d’un spectacle vivant, d’un art musical ou poétique. Ils montent sur scène intimidés, en ressortent les épaules relevées, un petit air de fierté dans les yeux, ils sont devenus, en une semaine de stage, plus sûrs d’eux, peut-être plus confiants. Une grande réussite pour ce festival.

Cette réussite à Junas nous confirme le journaliste et producteur Lionel Eskenazi 

« Cest aussi cette liberté, remplir la salle n’est pas une préoccupation, ils ont su fédérer un public, un rendez-vous, dans ce petit village. C’est tout un réseau qui travaille à l’année et c’est une spécificité. Je voulais absolument être présent pour les trente ans, même une seule soirée. »

21h, c’est l’heure où Fred Pallem, le leader charismatique du  Sacre du Tympan entre en scène. Quatorze musiciens entraînés par Fred Pallem à la basse électrique vont nous offrir pendant plus d’une heure un voyage délirant, barré mais ô combien intelligent dans l’Univers… Musical.

Une fusion – au sens étymologique du terme- d’années de musiques où les cuivres chatoyants, parfois tout en douceur, souvent tonitruants côtoient en toute liberté des cordes souples et soyeuses, batterie et percussions assurant une rythmique très inspirée des années 60-70. Extravagants parfois, inspirés toujours. Jazz, rock, groove, improvisation, voire électro symphonique, tout leur va.

Dans ce foisonnement, cette explosion, l’on retiendra « 62 satellites » : dans l’espace personne ne vous entend crier, gageons que l’on pourrait percevoir les vibrations de cette formation. Et le dernier morceau « Bitches en Marbella » où les fans de Franck Zappa auront reconnu et apprécié un bel hommage au compositeur disparu.

Juste avant le concert, nous avions demandé à l’altiste  Séverine Morfin son avis sur le festival :

« C’est très précieux pour nous, cela nous permet de continuer à rencontrer un public différent que l’on côtoie dans les salles plus institutionnelles le reste de l’année. Il y a une vraie rencontre ici, que ce soit avec les bénévoles ou le public. Les festivals sont nombreux en France, parfois gérés par des associations, i l y a une prise de risque plus importante, et notre type de musique, un peu particulière, a encore une place dans ce genre d’endroits, souvent il y a ailleurs des problèmes budgétaires, mais surtout une frilosité que l’on voit de plus en plus de la part des salles. Junas et quelques autres restent inventifs et courageux. Quand on est musicien, on est souvent aussi maintenant, producteur, parfois on gère des évènements, on sait que les organisateurs attendent les subventions, doivent faire attention à des choses qui n’ont rien à voir avec la musique. On est dans le même camp… Cela nous permet aussi de porter le jazz dans des endroits différents, d’étendre le public. Et de voir que cela marche vraiment, ce que d’aucuns doutent ! Ces obligations de rentabilité, cela entrave beaucoup de choses, il faudrait que des décideurs se déplacent, ici par exemple, le public est là, il n’y a pas de problème. C’est le meilleur exemple de vivre ensemble, de ce que la culture peut faire pour la cohésion. On est à une époque où l’on mesure la musique au « clic », faut pas se voiler la face. Mais c’est vraiment trop réducteur, alors, il faut du courage pour programmer. Il faut tenter. »

Et c’est ce qu’a fait Junas pour le dernier concert de cette édition : La rencontre explosive du violon de Théo Ceccaldi et la voix enfiévrée, venue d’Addis Abbeba, de Hewan Gebrewold, pour enflammer et faire danser le public enthousiasmé par le projet  « Kutu ».

Entourés de Cyril Atef à la batterie, de Vincent Ceccaldi à la basse et de Nirina Rakotomavo aux claviers. Les vieilles pierres tremblent sous les rifs allumés des musiciens tandis que la chanteuse lance ses chants azmaris avec tout à la fois une puissance surprenante mais aussi souplesse et légèreté. Pourtant les thèmes sont sérieux, poèmes politiques et féministes, mais ici, sont convoqués le jazz, l’électro, le punk voire un peu de rap pour communier avec le public.Cela pulse, la batterie de Cyril Atef,

comme à son habitude, nous emmène dans des contrées métissées, tandis que Vincent Ceccaldi ajoute ses quatre cordes à l’ethno transe du violon de Théo Ceccaldi.

Un long poème incantatoire, les plaintes électriques des cordes, les soubresauts de la batterie, les boucles du clavier accompagnant le chant tout à la fois sauvage et apaisée de Hewan G/Wold. Images sublimes, ce qu’apprécie l’excellent  photographe Patrick Martineau présent au début du festival :

« La fête dans les carrières, pour un photographe, il y a un super éclairage, de la scène et des artistes, cela permet de faire des belles choses. »

Il ajoute :

« Et puis il y a l’accueil, cela fait trois ans que je viens ici, quand on rencontre les gens, ils nous accueillent comme si on avait toujours été là…C’est assez extraordinaire. »

C’est aussi l’avis d’ Alex Duthil auquel nous laisserons le mot de la fin :

« Et ici, ce qui prédomine avec toute cette organisation et tous les bénévoles qui nous enrobe de leur gentillesse, c’est la douceur, oui, la douceur ! »

L’occasion de rendre hommage à toutes ces petites mains, les bénévoles qui font, chacun, un travail étonnant, toujours souriants, toujours sereins, malgré la chaleur et les aléas : les tentes se démonteront dans la nuit. Encore 360 jours pour la prochaine édition !

https://www.jazzajunas.fr

Ecrit par Corinne Naidet

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