#LiveReport : Festival de Jazz à Junas Day #2

Deuxième jour de festival sous le signe du voyage grâce au bandonéon de Daniele Di Bonaventura et du projet S.h.a.m.a.n.e.s mené par Anne Pacéo. Et toujours nos témoins, ces lumières qui fêtent les trente ans du Jazz à Junas. Aujourd’hui, Xavier Prévost, producteur à Radio France, puis Cynthia Abraham, enfin Sandra NKaké

Avant de s’évader avec le bandonéon de Daniele Di Bonaventura qui nous fera voyager avec toute la mélancolie que véhicule ses compositions sous la lumière du temple ( les lumières des vitraux de Daniel Humair !),

laissons la parole à un connaisseur Xavier Prévost :

«  il y a plus de trente ans il y avait déjà des festivals de ce type, dans des endroits inattendus, il y avait déjà des regroupements associatifs, avec une vraie exigence artistique, et ici, cette exigence est restée. C’est une sorte d’idéal, ce ne sont pas les seuls bien sûr, mais ils ont pris de l’importance, et il y a surtout une permanence de la qualité de programmation qui force le respect. Il y a une vraie exigence artistique, on n’est pas dans la quête du grand succès mais dans la quête de l’intensité musicale. »

C’est le cas de la programmation éclairée de cette soirée, qui commence avec le projet S.h.a.m.a.n.e.s. proposé par Anne Pacéo : Le shamanisme est cette pratique mentale où l’humain, accompagné de son tambour et de sa voix, passe du côté de l’invisible, pour communiquer avec l’environnement. Il était donc dans l’ordre des choses que la batteuse Anne Pacéo, après son « Fables of Shwegadon », rencontre entre les musiques traditionnelles birmane et occidentale, explore cette  pratique universelle, en orient comme en occident.

Ici les voix d’Isabel Sörling et Cynthia Abraham au chant font merveille, des trilles qui s’envolent, entre la terre et le ciel magnifiquement accompagnées par  Christophe Panzani au saxophone, Tony Paeleman aux claviers Pierre Perchaud à la guitare.

C’est Cynthia Abraham qui nous explique brièvement une partie de ce travail :

« C’est de la musique très écrite au départ, même quand il n’y a pas de paroles, c’est très écrit, les riffs et tout l’ensemble. Après cela évolue en live. Par exemple, sur un morceau, on en est arrivé à changer son architecture parce qu’en live, cela nous est apparu évident : Et il y a pleins de moments d’improvisation collective et ce sont des moments d’exception, pas faciles, mais j’adore. Et dans la musique d’Anne Pacéo, il y a vraiment des moments d’improvisation collective. » et d’ajouter « Je suis dans Shamanes depuis le début, c’est assez jouissif car il y a  en même temps des thèmes avec des mélodies des paroles, mais il y a aussi pleins de moments où la voix est utilisée comme un instrument comme un timbre et avec mon amie Isabel Sorling, c’est le pied sur scène. Elle fait cela divinement bien, on dirait un petit oiseau. Dans la musique d’Anne on peut explorer, et ce n’est que du plaisir. »

Le morceau « Dive Into The Unknown » en sera une preuve évidente. Après être montés bien haut, nous revenons sur terre avec le très beau rappel, Anne Pacéo au tambour, ses musiciens l’entourant pour le morceau « Marcher dans la nuit ».

Une flûte donne le ton du concert de Sandra NKaké, celle de Jî Drû, puis c’est la voix de la chanteuse qui va nous expliquer ses histoires :

« Une route faite de joie, de création mais aussi de douleurs et de violence. Je chante pour apaiser mes peines, pour moi, pour vous.»

Et l’on comprend immédiatement dès le premier morceau où la voix puissante , « éraillée, selon ses dires » mais chaude, veut et va nous emmener. Cela résonne si bien dans ces carrières.

La chanteuse quelques heures plus tôt nous avait parlé de son plaisir de venir à Junas et de son projet :

« Quand on arrive à Junas, c’est très émouvant parce que, lorsqu’on parle du chemin parcouru, on parle de guérison par le chant, par les rencontres, c’est comment transformer un intime en matière collective, et il se trouve que ces carrières vibrent de la vie, de vies singulières, dans le travail des carrières, parfois des vies difficiles, ici, cela permet de nous reconnecter, de nous rappeler que l’on fait un, animal, végétal, minéral. C’est une chance de faire de la musique, d’être ménestrel. »

Sandra Nkaké enchaine sur ses aspirations ses projets, particulièrement SCARS , au moment où elle parle de sa chance de pouvoir réaliser sa musique, d’enregistrer ses compostions :

« Je crois qu’il est important de rappeler la chance que j’ai pu avoir, que j’ai,  parce que l’on n’est pas égales – et égaux dans la vie – c’est le libéralisme et le capitalisme qui veut nous faire croire cela, qu’on a tous les mêmes chances au départ. Alors faire ce que je fais, évidemment c’est du travail mais possible parce qu’il y a énormément de choses et de personnes qui m’ont épaulée, aidée. Je me sens aussi porteuse de cette énergie et de la confiance que mes partenaires de travail m’apportent. C’est important de savoir pourquoi on fait les choses : j’ai choisi la musique parce que c’était l’endroit où je me sentais le plus efficace dans mon envie de créer du lien avec les gens et de les aider – si possible – à guérir, trouver les ressources pour aller mieux ; parce que nos sociétés sont remplies de personnes qui ne vont pas bien. La guérison n’est pas que chimique elle est aussi émotionnelle et artistique. La création passe par des moments de doute mais on peut réunir des personnes, comme ici, pour imprimer un moment de bien-être et de joie. Elles peuvent pleurer, elles peuvent danser, rire, et surtout la joie partagée ».

Et c’est tout le concert enthousiasmant qui est résumé par Sandra Nkake superbement bien entouré du flûtiste mais aussi de Mathilda Haynes à la basse, Jérôme Perez  à la guitare, enfin de  Mathieu Penot à la batterie. Du jazz bien sûr, mais aussi du rock, du blues, un peu de funk, on flirte avec l’électro. Mais toujours, toujours une énergie communicatrice et une générosité de chaque musicien qui, semble t’il, suivrait la chanteuse jusqu’en enfer. Pour nous emmener au paradis. Et ce fut la fête !

https://www.jazzajunas.fr

Ecrit par Corinne Naidet

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