#LiveReport : Jammin Juan days 1 & 2

Pour la deuxième année consécutive, l’équipe du Jazzophone, (constituée pour l’occasion  de Daniel Lascaux, Jean-Pierre LamourouxJacques Lerognon, Sir Ali et votre serviteur) s’est rendue au Palais des Congrès de Juan Les Pins pour assister à la nouvelle édition de Jammin’ Juan, ce rendez vous hivernal des professionnels du jazz en France.

Le congrès se déroule en deux temps : la journée, à partir de 14 h, est réservée aux Showcases de talents émergents, et la soirée présente un concert en deux parties, la première proposant un artiste récemment reconnu, la deuxième proposant un talent confirmé. Mais revenons en à ce premier jour (25 octobre), Seb Machado, pianiste-chanteur azuréen bien connu ouvre le feu avec son nouvel album et son « funky contemporary jazz », car c’est ainsi qu’il définit sa musique. Effectivement, funk et groove sont au rendez vous, appuyés par la basse de Tony Sgro, avec de belles interventions de Manu Carré au sax ténor. Un bon moment pour cette ouverture.

Changement de style complet avec Ryoko Nuruki et son Afro-Nippon Ensemble. Une musique entre Afrique et Extrême-Orient, courageuse, certes, mais pas toujours aboutie.

Ensuite, une bonne surprise avec le Gregory Ott Trio, au format classique piano, contrebasse, batterie. Subtils entrelacs pianistiques et pulsion rythmique sont au rendez vous, ainsi que la richesse des mélodies. 35 minutes de pur plaisir.

Superdog enchaine avec son trio de cuivres (trompette, trombone, saxophone) soutenu par une puissante batterie, pour une musique entre jazz, rock et fanfares délirantes. Original et créatif.

Klein, ensuite. Venu du Luxembourg, ce trio Piano (Jérôme Klein, leader, d’où le nom du groupe) Basse et vibraphone (Pol Belardi) et batterie (Niels Engel) propose une musique aux effluves pop, souvent déstructurées par les fulgurances « free » du piano et de la batterie. Une musique libre et décomplexée.

Avant-derniers à se produire dans les Showcases lors de cette première journée les quatre musiciens de Marthe ont une line-up original, puisqu’il comprend Sax et Trompette et basse & batterie, sans instrument harmonique. De plus, ils accompagnent leur musique de textes récités en grec, pays dont est originaire le saxophoniste Alexis Moutzoukis, et qui puise également dans les musiques traditionnelles de son pays, tout en gardant des liens avec une certaine tradition mélodique française. Un groupe innovant, propre à dérouter, mais aussi à séduire. Ce fut notre cas.

Venue elle aussi du Luxembourg, la chanteuse Claire Parsons s’était entourée des membres du groupe Klein, ainsi que du guitariste Eran Har Even, et présente des compositions de sa plume (« Never be untrue » , « Start a war ») qui, pour ma part, évoquent un peu l’univers d’une Annette Peacock qui aurait rencontré Esperanza Spalding sur sa route. Une plus qu’agréable touche féminine pour conclure cette première journée de Showcases.

Après un intermède culinaire, nous sommes conviés à nous rendre au(x) concert(s) qui ont lieu dans l’Amphitéâtre du Palais, Philippe Villa et son trio ! (Fabrice Bistoni, contrebasse et basse électrique, Gérard Juan, batterie) ouvraient le bal, et présentaient leur nouvel album « Espéranto » avec un show assez similaire à celui auquel nous avions pu assister le 19 mai dernier au Forum Nice Nord, avec les nouvelles compostions qui mêlent électronique (un peu), influences méditerranéennes et rythmes binaires.

Et enfin pour clore de la soirée, l’orchestre de Jean-Michel Bernard. Le célèbre pianiste et compositeur de musiques de films rendait ce soir là hommage à son ami, maître et mentor Lalo Schifrin en interprétant avec son orchestre les thèmes les plus célèbres des films et series télévisées dont Lalo Schifrin avait composé la musique, alors que les images de ces derniers défilaient sur l’écran. Comment ne pas être saisi d’une grosse bouffée de nostalgie à l’audition et à la vision de « Mannix », « Bullit », « Dirty Harry »« Cool Hand Luke ». L’orchestre est ensuite rejoint par la chanteuse Kimiko Ono pour deux titres, tout d’abord « That Night » (qui fut utilisé dans la fameuse publicité pour les bas DIM), ce qui donna droit à un beau chorus du trompettiste Eric Giausserand, puis la chanson titre du film « The Cincinatti Kid » qui était à l’origine chantée par Ray Charles, que Jean-Michel Bernard accompagna à l’orgue lors d’une tournée du Genius. Exit Kimiko Ono, et retour à l’instrumental avec le célébrissime thème de « Mission :  Impossible » qui ravit les (nombreux) spectateurs. Nous sommes sortis de là le coeur en fête et avons tout de suite  foncé au News Café où se tenait la proverbiale jam session.

Jam session de haut niveau puisqu’animée par ces trois grands musiciens que sont l’Américain Scott Allen (basse et chant), l’écossais Ronnie Rae Jr (piano), et le niçois Alain Asplanato (batterie). Standards de Stevie Wonder et d’Herbie Hancock sont au programme, sur lesquels viennent se greffer Fred Couderc, saxophoniste/flûtiste de Jean-Michel Bernard, Eric Giausserand à la trompette, et Jerry Edwards, tromboniste. Une joie de jouer palpable se dégage de l’ensemble, et Scott Allen, véritable showman dans la tradition américaine et bassiste hors-pair, dirige tout ce beau monde d’une main de maître, ce qui évite le cafouillage parfois inhérent à l’exercice. Classe !

Le lendemain, belle ouverture des showcases avec la prestation du chanteur Kevin Norwood et son quartet dans lequel officie le contrebassiste Sam Favreau, souvent croisé par ici. Un groupe soudé autour du chanteur qui officie dans un registre résolument jazz, qui n’est pas sans rappeller Gregory Porter. Démarrage en douceur, donc, mais avec bonheur.

Changement de style avc le Thomas Laffont Group, venu de Marseille et dans lequel officie une vieille connaissance, l’ami Cyril Benhamou au piano. Mélange d’impros jazz, de grooves urbains et de pop, le groupe sonne résolument actuel, et fait preuve une fois de plus de la vitalité de la jeune scène du Sud-Est.

Pour suivre, Ben Rando Trio, dans lequel nous retrouvons Sam Favreau à la contrebasse et découvrons Cedrick Bec à la batterie. Adepte de ce qu’André Ceccarelli nomme  »le bradmehldauisme ambiant » le pianiste Ben Rando, comme son illustre modèle mêle musique classique française du XXième siècle, pop, folk, et impros Jazz. Une musique intimiste qu’il était difficile d’apprécier pleinement dans le contexte très affairé de l’Espace Méditerranée.

Michel Meis quartet leur fait suite, avec dans ses rangs  une excellente tromboniste  Alisa Klein, et un jazz moderne et expérimental qui réussit à être aventureux sans tomber dans l’hermétisme.

Puis apparition d’un OVNI : Bakos. Deux musiciens, basse et batterie seulement, augmentés de samples. Une musique très rock, voire frisant avec le punk, puis se lançant dans des improvisations proches du free… Insolite et dérangeant, mais loin d’être inintéressant !

Nous repassons à la Salle Fitzgerald pour écouer la chanteuse Anna Farrow, ancienne participatrice du Tremplin du Nice Jazz  Festivalaccompagnée par le trio de Ben Rando  au grand complet. De jazz, il n’est ici point question mais plutôt d’une folk-pop « à la californienne » . On est là plus proche de Fleetwood Mac ou de Pentangle que de Sarah Vaughan... Mais c’est fort agréable au demeurant.

Et enfin, ce qui fut (pour moi) le clou de cette journée : le Lynx Trio, trois jeunes gens venus de Paris (Gabriel Gosse, guitare, Antonin Violot, batterie et Gaël Petrina, basse) qui proposent un jazz fusion abrasif, que nous avions eu l’occasion d’apprécier au Forum Nice Nord en 1ère partie de Christian Scott. Gabriel Gosse en particulier est un musicien très inventif, même si il ne fait aucune doute que les univers de Pat Metheny et de Mike Stern lui sont familiers, Un groupe tendu et serré comme un poing, qui offrit une parfaite conclusion à cette deuxième journée de Showcases.

Le temps d’une pause-déjeuner, ou plutôt dîner,  et voilà l’équipe du Jazzophone repartie vers l’Amphitéatre du Palais pour assister aux deux concerts du soir. Disons pour être charitables, que la prestation de Hailé Jno-Baptiste ne restera pas dans la mémoires, d’autant  plus que seul avec sa guitare et ses mélopées devant un public qui ne le connaissait pas ou peu, la tâche était ardue…

Et enfin arriva l’instant tant attendu : Hugh Coltman et ses sept musiciens font leur entrée sur scène. Piano droit (Gabriel Rakontondrabe), batterie (Raphaêl Chaussin), guitare (Eric Sauviat ) soubassophone (Didier Havet) trompette (Jérôme Etcheverry), et également un saxophone et une clarinette tenus par Frédéric Couderc, et un trombone, Jerry Edwards, vus tous deux la veille à la Jam Session. L’instrumentation est typique de la Nouvelle-Orleans, dont la musique à grandement influencè les compositions de Hugh Coltman pour son dernier disque « Who’s Happy ? » On rentre tout de suite dans le vif du sujet. Le groupe tourne à plein régime et la voix de Hugh Coltman est maintenant au niveau de ses modèles américains qu’il admire tant (il nous confessa d’ailleurs son amour pour les Etats-Unis, mais en précisant que le pays passait actuellement « un sale quart d’heure »…). Un grand concert plein de soul, d’humanité et de swing qui culmina pour ma part dans le morceau, « It’s your voodoo working » qui reste chevillé à l’âme et au corps.

Ravis et comblés par cette belle musique ,nous n’allions evidemment pas nous coucher , et tout le monde se retrouva encore une fois au News Café jouxtant le Palais pour la jam-session.Les mêmes protagonistes que la veille y officiaient , avec ce soir là l’apport de Caloo Isnard au sax et d’un guitariste . Mais hélas , l’extinction des feux ayant lieu à 1h du matin, certains musiciens, dont Cyril Benhamou n’ont pas eu le temps de s’exprimer. Dommage… En tous cas, ce marathon de deux jours donna l’image d’une scène musicale en pleine activité et renouveau.

jammin.jazzajuan.com

Photos : Jacques Lerognon

Ecrit par Gilbert D'Alto

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