Ornette Coleman sur la route du Free.

Ornette Coleman John Abbott

Ornette Coleman by John Abbott

Né à Fort Worth, Texas,  le saxophoniste alto Ornette Coleman qui vient de décéder à New York, était l’un des artistes majeurs de l’histoire du jazz. De la même manière que Satch, Prez, Duke, Bird ou Miles, il fut un passeur, un créateur de styles, un briseur de tabous.

Après avoir débuté au sax ténor dans des orchestres de rythm and blues (musique dont il gardera la trace dans son jeu toute sa vie, à l’instar d’un Albert Ayler), après avoir entendu Charlie Parker, il passe à l’alto et commence à créer un style personnel et à s’orienter vers de nouvelles structures mélodiques. Après avoir déménagé à Los Angeles, il se produit sous son nom, et fait des rencontres musicales importantes, dont celle du pianiste Paul Bley, qui lui apportera son soutien. Ironie du sort, les conceptions d’Ornette l’orientent désormais vers une formule sans piano. Il forme ainsi un quartet avec Don Cherry (trompette), Charlie Haden,  (contrebasse), qui restera un fidèle compagnon de route d’Ornette,  tout au long de sa vie, et le batteur Billy Higgins.  Après avoir enregistré deux albums chez Contemporary Records ‘’ Something else ‘’ et « Tomorrow is the question’’ avec le pianiste Walter Norris, en 1958, il signe chez Atlantic et enregistre ‘’ The Shape of Jazz To Come ‘’ (La forme du jazz à venir) avec le fameux  quartet sans piano.  Il est publié en 1959, année cruciale pour le jazz, puisque Miles Davis publie ‘’Kind of Blue’’, Dave Brubeck « Time Out » et John Coltrane enregistre «  Giant steps » qui sera publié en 1960. La révolution est dans l’air : direction : New York où tout s’invente alors : un nouveau cinéma sous l’impulsion de John Cassavetes, un nouveau théâtre avec le Living Theater, le jeune Dylan y chante son folk protestataire, Lenny Bruce réinvente la comédie satirique,  les poètes beats sont là : Allen Ginsberg, Jack Kerouac ;  Ornette va y rencontrer une jeune poétesse qui les fréquente : Jayne Cortez, qu’il va épouser. Mais surtout New York  est le foyer de la nouvelle musique, de ces jeunes gens en colère qui veulent à la fois changer la musique et la société, les droits civiques sont en marche, la nouvelle musique s’en veut l’écho et crie violemment le désir de justice. Ornette se produit au Five Spot où sont également programmés d’autres jeunes loups comme Eric Dolphy ou Charles Mingus. Et c’est l’enregistrement du manifeste « Free jazz » avec le double quartet qui comprend Haden et Scott La Farro aux basses, Higgins et Ed Blackwell aux drums, Eric Dolphy à la clarinette basse et Cherry et Freddie Hubbard aux trompettes, Ornette doublant Dolphy à l’alto. La pochette est ornée d’une peinture du peintre Jackson Pollock, violemment abstraite .Et c’est une nouvelle bataille d’Hernani du jazz qui, commence, comme au temps des tenants du swing contre ceux du be-bop. Miles Davis, par exemple, pourtant jamais en reste d’une révolution musicale (ni d’une méchanceté…) traite Coleman, Dolphy, Shepp et les autres d’  « escrocs complètement déboussolés ». Ironiquement, 50 ans plus tard, en 2009, Coleman recevra le Miles Davis Award qui récompense les musiciens novateurs…En revanche le compositeur Leonard Bernstein, le couvre d’éloges. Au cours des années 60 et 70, la musique d’Ornette va se radicaliser, explorer les territoires de l’avant-garde avec des disques comme «  Skies of America » enregistré avec un orchestre symphonique. Dans les années 80, il se rapproche du rock, et électrifie sa  musique. Il joue avec les guitaristes Pat Metheny, James « Blood » Ulmer, et même Jerry Garcia du Grateful Dead, avec qui il enregistre, et joue sur scène. De nombreuses tournées s’ensuivent, qui l’amènent au Japon, en Europe, au Mexique… Il connait de nouveau une reconnaissance publique et critique à ce moment là, composant également la musique du film ‘’le Festin Nu‘’ pour David Cronenberg, d’après l’œuvre de William Burroughs que Coleman connut lors de son arrivée à New York. Il se produit alors avec son fils Denardo (conçu avec Jayne Cortez) à la batterie. Il continue alors de tourner inlassablement jusqu’à ce tragique 11 juin dernier qui le voit terrassé par une crise cardiaque dans ce New York qu’il aimait tant. Il avait 85 ans.

RIP, free man !

Ecrit par Gilbert D'Alto
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