Panorama des B.O de musiques de film jazz dans le cinéma français.

On commence par le film incontournable de la Nouvelle Vague « À bout de souffle » de Jean-Luc Godard, sorti en 1960. Il reste dune modernité saisissante. Une œuvre novatrice, en particulier dans sa bande originale. Jean-Pierre Melville apprécie grandement le travail de Martial Solal dans « Deux hommes dans Manhattan » et il le recommande à Jean-Luc Godard pour son film « À bout de souffle ». Les consignes de Jean-Luc Godard à Martial Solal sont minimes, il dispose dune grande liberté notamment dans le choix dun orchestre et de musiciens pour une bande originale jazz. Il compose deux thèmes principaux de 5 notes chacun, permettant de coller aux différentes ambiances du film. Si la bande originale du film donne l’impression d’être improvisée, c’est en raison du montage. Une fois la composition terminée, Jean-Luc Godard dispose librement les musiques dans le film. En fonctionnant ainsi, il exclut le compositeur du montage, devenant lui-même improvisateur. Dans le film, la musique a un discours parallèle à limage. Intégrée aux bruits de la rue, elle semble ponctuer l’œuvre. Un procédé mélangé aux autres techniques cinématographiques novatrices de Jean-Luc Godard dont le tout confère à ce film une dimension rythmique unique.

Nous nous trouvons maintenant en 1979 avec le film « Courage Fuyons ». Vladimir Cosma retrouve Yves Robert dans cette comédie romantique pour la 8ème fois depuis leur rencontre sur « Alexandre le bienheureux » (1968). Il renoue avec la couleur jazz du diptyque « Un éléphant ça trompe énormément » et « Nous irons tous au paradis » (également écrits par Jean-Loup Dabadie), mais avec une guitare manouche qui annonce celle du « Dîner de cons »). Comme pour d’autres musiques de ses films, Vladimir Cosma reprend ce thème à la guitare manouche, interprété par Philip Catherine. Dans le cabaret, Catherine Deneuve chante Lady from Amsterdam, chanson composée pour l’occasion par Vladimir Cosma, et aux paroles écrites par Boris Bergman et Jean-Loup Dabadie. Il s’agit de la première fois où l’actrice n’est pas doublée pour le chant.

En 1960, Gainsbourg signe la bande originale du film « L’eau à la bouche » de Jacques Doniol-Valcroze. Michel Galabru et Bernadette Lafont jouent à merveille un couple fripon dans un château des Pyrénées-Orientales où six personnages réunis pour régler une question d’héritage se laissent aller au marivaudage. Les paroles de Gainsbourg qui servent l’intrigue amoureuse s’immiscent dans cette zone grise de la séduction. Entre prédateur (Je t’en prie ne sois pas farouche / Quand me vient l’eau à la bouche () Je te veux confiante, je te sens captive / Je te veux docile, je te sens craintive / Je ne prends que ta bouche) et homme patient capable d’attendre l’accord explicite de sa partenaire (Si tu veux bien / Je te prendrais doucement et sans contrainte), Gainsbourg fait sa danse nuptiale à la frontière du consentement et de la « liberté d’importuner » revendiquée par Catherine Deneuve (qu’il surnommait Catherine d’Occase) et BB dans une tribune au Monde de janvier 2018. « Nous pensons que la liberté de dire non à une proposition sexuelle ne va pas sans la liberté dimportuner », concluent ces femmes qui débutent leur texte en estimant que « la drague insistante ou maladroite nest pas un délit, ni la galanterie une agression machiste ».

Flic ou voyou (1979) : il sagit de la 7ème collaboration entre Georges Lautner et son fidèle compositeur Philippe Sarde qui propose un mélange inédit entre la dimension classique des cordes avec une flute et le jazz avec l’apport du trompettiste de jazz américain Chet Baker. Film policier assez farfelu, mais porté haut par son interprète principal avec un bagou et une sympathie désarmante. Par conséquent, le film savère n’être quune accumulation de scènes parfois très réussies et parfois non. On ressent un sentiment à la fois dune extrême jubilation et dinachevé. Heureusement, la musique de Philippe Sarde convoque la crème du jazz pour interpréter sa partition. Son générique, par une alternance de musique inspirée du baroque et de musique jazz, marque lambivalence du personnage principal.

Je termine par un film plus récent dont la B.O. est composée par un musicien extraordinaire, Ibrahim Maalouf qui signe la musique de la comédie de Gad Elmaleh, « Reste un peu ». Fort dune grande créativité et sensibilité musicale, le compositeur et musicien Ibrahim Maalouf enchaîne des bandes originales de film. Après « Jusquici tout va bien », « 9 jours à Raqqa » ou encore plus récemment « Citoyen dHonneur », le trompettiste a composé pour la comédie familiale de Gad Elmaleh un thème musical principal avec une mélodie facilement identifiable à latmosphère mélancolique et légèrement dansante, un thème à partir duquel plusieurs variations animent les scènes du film. Les mélodies touchantes et exécutées avec la virtuosité reconnaissable dIbrahim Maalouf traduisent donc parfaitement l’état desprit du réalisateur et du film. Le trompettiste met aussi en musique les questionnements de Gad Elmaleh ainsi que ses émotions, notamment dans les compositions de « Casablanca Memories ».

Ecrit par Jacky Ananou

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