Parole de Jazz #4

Parole de Jazz Par Sebastien Chaumont

Le Bon Dieu nourrit les petits oiseaux qui gazouillent… Les autres qu’ils se démerdent… (Jésus de la viltouze dit la caille ) 

Il faut manger pour vivre… (Socrate) 




Êtes vous chasseurs ? Cueilleurs ? Tourneur fraiseur ? Rentiers ? Non… 
Mère nature vous a fait la grâce d’un gentil petit sens du rythme, d’une bonne oreille et vous avez choisi d’exploiter ce filon pour gagner votre croute. Vous êtes Musicien … Et pas n’importe qui !  Ni de n’importe quoi !  Musicien de jazz ! Ça C’est quelque chose… 
Vous faites ce que vous aimez, vous en vivez, on vous envie. C’est au petit poil! 

Sauf que… 

Avec le temps, l’expérience, le regard émerveillé que vous portiez sur cet art majeur dont tant de critiques avertis discutent entre gens de boutique, se ternit peu à peu. Votre belle insouciance s’étiole avec votre enthousiasme tandis que votre tolérance au foutage de gueule commence a se mettre en berne. Les « brindezingues » du son de la nuit, les tournées du patron et tout l’agrément qu’avec humilité vous receviez jusqu’alors de votre auditoire chéri comme unique récompense à votre travail, tout ça perd un peu de sa magie… 

Vous vous rendez bien compte qu’à favoriser votre « pâssion » et négliger les conditions de travail vous vous faite gentiment presser le citron et pas qu’un peu !  Vous réalisez soudain que vous ne tirerez jamais aucun bénéfice de vos « gigs au béguin » pour les beaux yeux de votre limonadier local… Pas plus que vous n’avez d’intérêt a participer au grand tremplin « off » des découvertes jazz et musiques zactuelles, si ce n’est celui de plonger avec plus d’élan dans l’abîme de vos désillusions… 

Vous devenez plus lucide, chouya moins con, moins perméable au baratin mielleux des endormeurs professionnels et plus généralement de tous ceux et celles qui vous bourrent la caisse pour vous étouffer votre pognon. Moins enclin itou à vous pommader vous même… Tandis que votre blues est en train virer au noir, il vous chante à l’oreille que si Être est plus indispensable qu’avoir, le rêve c’est quand même d’avoir de quoi être. 
C’est de ce constat que naît le jazz et son métier… 
Ce qui se passe avant n’est qu’une façon de s’occuper l’âme, en besognant l’avenir au fond de soi avec ce qu’on trouve. Premier prix de conservatoire ou autodidacte, kif au semblable. Hormis le temps qu’on passe à se ménager une solide technique qui sera plus souvent qu’on le croit notre ultime alliée face aux corvées de l’existence, Il faut bien s’avouer ceci: on consacre des années à se maquiller une identité de musicien par procuration, qui n’est qu’un édifice  d’échantillons de ce que d’autres ont vécu et joués avant nous. J’irai jusqu’à dire que c’est inévitable, voire même recommandable puisqu’on apprend jamais mieux qu’en imitant. Mais quand la nécessité vous « somme sonne et exige » c’est ce que vous êtes sous le plâtre qui est sollicité… Et « ce que vous êtes sous le plâtre » tiendra le coup ou s’écroulera dans son froc. C’est ainsi et c’est plié… 
D’ailleurs, et c’est ma conclusion, quand la vie se charge de votre dérouillée personnelle, le monumental coup de pied au cul qu’elle vous assène, s’il ne vous a pas tué sur le coup, vous décanille de votre confortable petit folklore, pour le plus grand bien de la musique qui en est le plus élégant témoignage, si ce n’est de vous même. 

Aléa jactaress !

Ecrit par Sébastien Chaumont
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