#Paroles de Jazz #14 par Jean Christophe Bournine

Je peux dire que le jazz m’a bercé littéralement, en en ayant « bouffé » au kilomètre dès la prime enfance par les goûts musicaux paternels. Lorsque du côté de ma mère, mes oreilles de minot subissaient plutôt du Léo Ferré ou du Pink Floyd, ces mêmes oreilles se nourrissaient essentiellement de jazz de par mon père, guitariste amateur qui m’emmena dès le plus jeune âge à « La grande parade du jazz », le festival de jazz de Nice de l’époque.

Cinq francs l’entrée si je me souviens bien, les plus grands noms se côtoyaient dans les jardins des arènes de Cimiez. Moi, heureux de la barbe à papa offerte, les doigts collants de sucre, je m’endormais paisiblement dans l’herbe. Je n’étais pas encore mélomane mais la graine a dû se planter à ce moment-là dans mon esprit… des années plus tard, j’embrasse le punk, le rock, le hip-hop et toutes les musiques faisant le crossover entre ces différents genres, faut dire qu’on est en plein dans les années « fusion » et je ne parle pas de jazz fusion, celui-ci m’ayant toujours quelque peu rebuté, mais de ces années adolescentes ou la culture skate board nous fait apprécier sans hiérarchie ni clivage, Curtis Mayfield, les Beastie Boys ou Dinosaur Jr.

A ce moment-là le « jazz » est loin, et ma vision du genre oscille entre musique d’ascenseur et bande son pour restau chic ; j’ai le souvenir de gentilles disputes avec un ami guitariste à propos du Pat Metheny group, lui, féru d’harmonie, criant au génie lorsque moi, bassiste dilettante aspirant à balancer du riff bien gras sur deux notes maxi lui répond: « ton truc c’est de la ‘’varièt’’ mais en plus compliqué quoi ! ». On est con quand on est jeune.

C’était sans compter sur quelques potes qui me font écouter Olé de John Coltrane (mais c’est bon ça !, c’est sauvage, c’est la transe), ça me parle et chasse direct de mon esprit l’association d’idée : jazz égale musique à papa. puis, le père de mon meilleur pote de l’époque, nous initie à Gong, Magma, Carla Bley et son Escalator over the hill, Charlie Haden et son Libération Music Orchestra, Randy Watson, Albert Ayler. J’adhère direct à ces esthétiques inclassables, je ne sais plus si j’écoute du rock, du jazz ou je ne sais quoi et je m’en fous, c’est même ce qui m’excite dans ces musiques qui me semblent affranchies des cadres, établissant des ponts esthétiques et culturels, abolissant les barrières.

Au final, je ne sais toujours pas vraiment ce qu’est le jazz, mes goûts dans le genre vont de John Zorn à Louis Sclavis, Tigran Hamasyan ou Gogo Penguin, de l’éthio à la branche européenne. Une musique protéiforme en perpétuel mouvement, qui puise dans tous les courants, se réinvente au contact des possibilités nouvelles (électronique, effets), voilà plutôt ma vision du truc. Au contraire d’une esthétique figée dans la tradition, le jazz serait davantage un adjectif, une façon d’être en musique, une attitude dont l’essence même si on tenait absolument à la résumer en un seul terme, se trouverait dans la notion de liberté.

Ecrit par Jean-Christophe Bournine

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