Ses amants étaient des aristocrates. Le fondateur de Revlon a même créé un rouge à lèvres pour elle, Eartha Kitt. Miss Kitt, la grande dame vêtue de Balmain sirotant du champagne, est l’une des voix uniques du jazz. De la « sex kitten » des années 50 à l’icône glamour, Eartha Kitt a séduit sur tous les fronts artistiques pendant 40 ans. Danseuse, chanteuse, artiste de cabaret, actrice, l’américaine hypnotisait son public avec sensualité et élégance. Son charme naturel envoutant et sa réputation sulfureuse ont forgé autant que sa force de travail artistique une indémodable Diva.
La petite Eartha Mae Kitt n’était pourtant pas née sous une bonne étoile le 17 janvier 1927 en Caroline du Sud, mais son « Etoile » brillera sur le Fame boulevard à Hollywood. Son enfance n’est que souffrance. Elle est abandonnée très jeune dans une plantation, maltraitée, violentée, elle atterrit à 8 ans chez une tante détestable qui habite Harlem. La jeune Kitt prendra les rênes de sa vie avec la danse. Boursière à 16 ans de l’école de Katherine Dunham, une chorégraphe activiste. La jeune artiste se forme, intègre la Compagnie afro-américaine et les comédies musicales à Broadway ; Carib Song part en tournée au Mexique, en Amérique du Sud, en Europe. Elle danse, chante, apprend les langues, mais veut se lancer dans une carrière solo et finalement débarque à Paris. Objectif : être chanteuse de cabaret. Elle est souvent au Bœuf sur le Toit, peaufine son style, ronronne son Torch jazz singing, se fait un nom. Orson Welles dira qu’elle est « la femme la plus excitante du monde » et lui proposera d’être Hélène de Troie dans sa pièce Time runs d’après le Dr Faustus de Christopher Marlowe. La critique lui fera un accueil excellent à Paris et à new York.
La « sex kitten » remonte sur la scène de Broadway avec la revue à sketches New Faces en 1952. Son remarquable Monotonous lui apporte une nouvelle popularité, elle enregistre et sort l’album polyglotte That bad eartha et un single. Parmi les titres, C’est si bon, Uska Dara deux grands succès, et l’iconique Santa Baby qui lui offre le top ten américain. Cette chanson de noël aux textes gentiment coquins est devenue depuis un classique. « I want to be evil » restera sa griffe. Son style jazz pop et son vocal easy listening associés à une présence scénique exceptionnelle lui ouvrent toutes les perspectives. Danseuse et chanteuse à la télé, actrice au cinéma, la performeuse multi talentueuse hypnotise son public. Il n’y avait jamais eu de femme comme elle auparavant. Kitt est aussi applaudie chaque soir au théâtre dans Mrs Patterson. Les années suivantes sont prolifiques en 57. L’actrice tourne avec Sidney Poitiers dans The Mark of the Hawk, publie sa première bio Thursday’s Child. Une histoire épique dont elle tire une chanson éponyme. Elle enchaîne en 58 avec le film St. Louis blues ; campe une Gogo germaine chanteuse de cabaret au côté de Nat King Cole, Ella Fitzgerald. Suit Anna Lucasta avec Sammy Davis Jr.
Début 60, son Etoile est inaugurée sur le Fame boulevard au 6656 Hollywood boulevard. Elle épouse John William McDonald dont elle aura une fille nommée Kitt et enregistre de nouveaux titres : Bad but good, love for sale un titre british pop avec Tony Osborne. En 1967, son rôle de Catwoman crève l’écran dans la série TV Batman. En 5 épisodes, elle s’impose dans un costume sur mesure dans la culture populaire.
A l’apogée de sa carrière, Eartha Kitt, militante et active pour les droits sociaux, sort 2 albums, contes folkloriques d’Afrique, black Pioneer in American History avec Moses Gunn, fonde Kitts Youth Foundation, une organisation destinée aux jeunes défavorisés du quartier de Watts à Los Angeles ; l’artiste s’implique et témoigne avec The Rebels with a cause, des jeunes d’une banlieue de Washington. Son activisme contre la pauvreté et la situation raciale de l’époque sont parts intégrantes de son engagement mais pas seulement. Kitt était aussi membre de la ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté. En 1968 sur fond d’émeutes raciales, elle s’oppose ouvertement à la guerre du Vietnam lors un déjeuner avec la First Lady Johnson à la Maison Blanche. Son franc parler lui vaut d’être black-listée. L’opinion est mitigée, ses concerts sont annulés, le FBI et la CIA enquête sur elle. L’artiste américaine doit quitter les Etats-Unis.
Kitt a une vie de transformations. Elle poursuit sa carrière à l’étranger jusqu’en 1974. Écrit Alone with me (1976), retrouve Broadway deux ans après avec Timbuktu une comédie musicale à l’opulence Ziegfeldienne, Eartha y est en vedette, et son rôle de Shaleem-La-Lume lui vaut 2 nominations au Tony Award. Dans les années 1980, ses tubes marqués pop jazz font le tour de la planète : Where Is My Man (1983), I Love Men (1984), This Is My Life (1986) et I Don’t Care (1986). Elle publie deux biographies I’m still here (1989) et Confessions of a sex kitten (1991) suivi de 2 albums Miss Kitt to You et Thinking jazz. L’actrice continue occasionnellement le cinéma. La militante est devenue une ardente défenseur des droits LGBT et soutient publiquement le mariage entre personnes du même sexe qu’elle considère comme un droit civil. Elle est naturellement l’invitée au Ru Paul Show (1997) l’un des premiers programmes nationaux américain ouvertement Gay avec le célèbre et influent Drag-queen Ru Paul. Son parcours fait d’elle une artiste accomplie. Son sex appeal, une Diva. Le talkshow fera d’elle une icône glamour.
En 2006, elle remonte sur scène au café Carlyle. Une vibrante performance préservée pour la postérité dans le Live in. Loin d’être has been, elle donne ce soir-là une master classe dans l’art de la performance de boites de nuit. Indémodable, multi-talentueuse, Eartha Kitt est une inspiratrice intemporelle qui a cassé les codes : Marilyn Monroe, Madonna ont puisé dans son boudoir. Malgré le temps qui passe, Eartha Kitt, Miss Kitt, chante et prête sa voix à Yzma dans le film d’animation de Disney Kuzco L’Empereur Mégalo, ce qui lui offre deux Emmy Awards (2007-2008). Un troisième Emmy lui sera remis à titre posthume. Miss Eartha Mae Kitt s’est éteinte au terme d’une immense carrière le 25 décembre 2008 à Weston dans le Connecticut.
« Croyez-le ou non, je n’ai aucun document officiel indiquant que je suis née. » écrit Eartha Kitt dans Confessions of a sex kitten. « C’est peut-être pour ça qu’ils m’appellent une légende, parce que je n’existe pas vraiment ».