#Portrait : François Chassagnite

Pour le quatrième anniversaire de sa disparition, Le Jazzophone ne pouvait que rendre hommage à ce grand musicien et à ce gentleman qu’était François Chassagnite.

François Chassagnite, né le 21 juin 1955 à Ussel en Corrèze, est décédé à Nice le 8 avril 2011. Il fut l’un des plus grands trompettistes de jazz français, voire internationaux. Fils de militaire, il commença par le clairon (!), avant de se tourner vers la trompette, qu’il maîtrisa rapidement. La découverte du jazz fut pour lui capitale, et fasciné par les enregistrements de Louis Armstrong, il commença tout d’abord à oeuvrer dans le style New Orleans, puis se tourna vers le jazz moderne et le be-bop, à l’instar d’un Dizzy Gillespie. En 1976, à la fin de ses études de vétérinaire, métier qu’il n’exercera en fait jamais, il monte à Paris et court les clubs à la recherche de ses idoles, suivant en cela l’exemple de l’une des siennes, Miles Davis. Il rencontrera et jouera avec la plupart des jazzmen français et nombre de musiciens américains de passage à Paris.

Il joue ainsi entre autres avec Guy Laffitte, Michel Graillier, les niçois Barney Wilen et Bibi Rovère, et développe un style riche et personnel, s’inspirant librement de celui auquel rendra un hommage émouvant, bien des années plus tard, dans l’album « Jubilation », je veux parler bien sûr de Chet Baker. Il est pris dans le tourbillon des clubs parisiens, personnage clé de ce qu’il appellera plus tard dans une interview donnée à l’auteur de ces lignes « le Swinging Paris ».

S’ensuivent des tournées en Europe et à New York, et aussi en Afrique, continent dont la musique l’attire ainsi qu’il le manifestera dans l‘album « Sorgho ». Il se découvre aussi une passion pour le chant, et commence, lors de ses concerts, à entonner les mélodies des standards qu’il interprète d’une voix qui n’est pas sans rappeler celle de Chet, qui, d’ailleurs, dans un article resté célèbre, nomma François comme l’un de ses trompettistes favoris. Car son jeu n’a pas la rudesse d’un Hubbard ou d’un Lee Morgan, mais bien le lyrisme d’un Clifford Brown ou d’un Miles Davis.

Je me souviens d’ailleurs à ce propos d’un grand « I remember Clifford » joué par lui avec une tendresse infinie. Au cours des années 90, il s’installe à Nice et obtient le poste de Professeur de trompette au CNNR de Nice, section jazz bien sûr. Il jouit immédiatement d’une grande popularité parmi les élèves, tant sont grandes « son écoute et sa proverbiale gentillesse » tel qu’en témoigne l’une d’entre eux, la chanteuse Deborah De Blasi. Parallèlement à cela, il participe au groupe « Epistrophy », où il retrouve le contrebassiste Bibi Rovère, ainsi que le pianiste Fred D’Oelsnitz et le batteur Bernard Weidmann. Puis, il enregistre l’album « Un Poco Loco » en compagnie toujours de Fred D’Oelsnitz, du bassiste Fabrice Bistoni et du batteur Yoann Serra. Album qui présente un hard bop de très belle facture. Une réussite.

Il crée ensuite un quintet avec le saxophoniste Sébastien Chaumont et le pianiste Olivier Slama, quintet qui se produit dans nombre d’endroits de la Côte, ainsi qu’au festival de Marciac. Il rejoint également le pupitre de trompettes du Nice Jazz Orchestra dirigé par Pierre Bertrand.

Musicien de grand talent, au style inégalable, il se doublait d’un être humain de grande qualité, attentif et généreux. Son dernier enregistrement paru fut « Chat ssagnite », enregistré avec trois guitaristes dont Olivier Giraudo, et dont la pochette était illustrée par son ami de longue date (et fou de jazz !), le dessinateur Siné.

Selon toute vraisemblance devrait un jour paraître son dernier enregistrement en public, le concert qu’il donna au CNRR en tant que membre du septet de Fred D’Oelsnitz, qui comprenait également Sébastien Chaumont au sax alto, Selim Nini au ténor, François Gallix à la contrebasse, Stéphane Foucher à la batterie et Sandrine Destefanis au chant. Après avoir donné un concert au club niçois « Le Sézamo » le 7 avril 2011, en compagnie de Sébastien Chaumont et de la chanteuse américaine Denia Ridley, il s’éteint au petit matin d’une crise cardiaque. François restera un météore dans le ciel du jazz azuréen qu’il éclaira hélas brièvement, mais dont la lumière reste à jamais dans nos souvenirs.

Ecrit par Gilbert D'Alto
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