« Je suis la preuve vivante que tant que vous travaillez vous pouvez réaliser vos rêves. » Troy Andrews, né le 2 janvier 1986 dans le Tremé, est le petit-fils du légendaire R&B Jessie Hill, créateur du célèbre « Ooh Poo Pah Doo » et frère cadet du trompettiste James Andrews.
Troy a grandi au cœur du Tremé, dans une maison verte à la façade de briques et aux volets orange de la rue Dumaine. Il a été élevé au son des brass bands qui défilent dans les rues, marquant une naissance, un décès, une remise de diplôme, un retour de prison ou simplement exprimant de la joie. Dès sa plus tendre enfance, il était évident pour tous que Troy serait musicien. James, son frère ainé de 16 ans, rêvait d’une belle vie pour lui et explique de sa voix rauque et chaleureuse qu’il se devait de lui transmettre son expérience sur tout ce qu’il avait appris de son professeur Danny Barker, sur le fait d’être un homme, de savoir comment se conduire: « tous ces trucs qui sont encore en moi maintenant… Il y a une longue histoire de gens qui jouent de la musique dans notre famille. Avant qu’il sache marcher, je le portais sur mon dos dans le quartier français, et partout où j’allais je l’emmenais et avais un œil sur lui. J’ai été le premier à lui avoir donné un instrument, je lui ai acheté son premier po-boy, lui ai appris à déguster une huître… aimes-tu ça? Il avait 4 ans la première fois qu’il est apparu sur scène au Jazz Fest aux côtés de Bo Diddley, 4 ans quand je l’ai emmené en tournée, en Arizona.
A six ans, il soufflait dans son trombone mais n’était pas assez grand pour le soulever, je le surnommais Trombone Shorty. Ce surnom lui est resté. Il ne pouvait atteindre que trois des sept positions parce que ses bras ne pouvaient pas aller plus loin. Il a dû apprendre et improviser sans même savoir qu’il improvisait, juste pour obtenir ces autres notes. Quand il a eu 9 ans, je lui ai acheté un costume et je l’ai emmené en tournée, partout dans le monde, Dubaï, Turquie, Japon, Cuba, Europe, Paris… Il a joué sur les bateaux en compagnie de Doc Cheatham, Clark Terry, Sarah Vaughan, Al Green…
J’étais fier de lui. Je le conduisais dans tous les clubs et dans les coulisses afin qu’il rencontre tous les grands artistes. Je l’ai emmené au Super Bowl, présenté à Quincy Jones alors qu’aucun enfant n’était autorisé à assister aux concerts. Une fois, je l’ai emmené dans un studio où il a passé une audition pour un Disney show ; Quincy Jones a dit « c’est bien ». Troy a joué avec des enfants blancs. Ils sont tous devenus célèbres.
Troy apprenait facilement et avait la musique dans le sang. Je le faisais jouer avec nous. Trop jeune pour jouer dans les bars ? Aucune importance. Au Cosy Corner, Papa Joe fermait la porte à clef pour qu’il puisse accompagner l’orchestre durant un set ou deux sans être surpris par la police.
Je me souviens de ce petit enfant qui défilait dans les second line, soufflant tantôt dans un trombone, tantôt dans une trompette, ou tapant sur une caisse (Kermit Ruffins)
Le Tremé était un endroit chaleureux, convivial. Les gens de la rue Dumaine traînaient, partageaient leur cuisine, conversaient de porche en porche. De temps en temps, la rêverie était interrompue par des coups de feu, émanant souvent des lotissements Lafitte à proximité où vivait leur grand-mère. Quand Troy a eu 10 ans, un autre frère aîné âgé de 17 ans, Darnell D-Boy, « un sacré joueur de trombone » qui jouait aussi avec James a été tué par balles, là-bas. Après la mort de Darnell D-Boy, ma famille était dévastée », poursuit James, « j’ai juré de protéger Troy, de le guider et de le dorloter. J’avais conscience de l’importance des études, et je voulais le meilleur pour lui. J’ai puisé dans mes propres ressources et celles de mes amis. J’ai demandé à Susan Scott, qui venait d’une famille distinguée et vivait dans un quartier chic, de devenir sa tutrice et de lui apporter le bagage nécessaire pour réussir dans la vie.
À la demande de James, Susan Scott s’est arrangée pour qu’il passe une audition au prestigieux NOCCA (New Orleans Center for Creative Arts) dont les anciens élèves incluent Wynton et Branford Marsalis, Harry Connick, Terence Blanchard. Troyfréquenta assidument le NOCCA, fit de solides études musicales. Il surnomme Susan Scott, décédée en 2007, son ange gardien.
NOCCA m’a donné les outils pour aborder les choses d’un point de vue technique et pas seulement deviner avec mes oreilles.
Jonathan Batiste a fréquenté le NOCCA pendant la même période :
Nous cherchions tous les deux un son qui briserait les stéréotypes locaux mais qui resterait fidèle à nos racines.
Adulte, Troy est devenu le plus jeune membre du conseil d’administration du NOCCA. En 1999, âgé de 13 ans, sa prestation au Lincoln Center est unanimement appréciée :
Vous savez, je n’avais pas le choix. J’ai grandi dans la communauté des fanfares de New Orléans. Sur 100 fanfares, j’ai des membres de ma famille dans 95 d’entre elles, j’ai des cousins qui jouent dans le Dirty Dozen Brass Band, le Rebirth Brass Band, mon cousin Herlin Riley joue de la batterie pour Wynton Marsalis, c’était tout autour de chez moi. Ma famille m’a donné l’inspiration et les outils pour faire de la musique de New Orléans.
En 2002, sortie du premier album, Trombone Shorty’s Swingin’ Gate, suivi de The End Of The Beginning et Orleans & Claiborne. Je me souviens d’une anecdote. Nicolas Paytonjoue avec son père, Walter Payton et Trombone Shorty. Pendant que Troy fait son show, le téléphone de Nicolas sonne, c’est Wynton Marsalis qui l’appelle. Ils discutent puis Wynton demande: « qui est ce super champion que j’entends au trombone? » Nicolas répond: « c’est le gamin, tu sais, le petit Troy Andrews du Tremé », alors Wynton s’écrit: « je le veux au Lincoln Center! » Troy a choisi une autre voie… Spirit of New Orleans! En 2005, Lenny Kravitz intègre Troy dans sa tournée mondiale, elle durera 18 mois. Trombone Shorty y gagne une présence scénique incomparable. En septembre 2005, l’ouragan Katrina ravage New Orleans. A New York, le producteur explique que la représentation prévue est annulée car Trombone Shorty a choisi de rentrer chez lui. De retour à New Orleans, Troy et James, à la lueur des lumières alimentées par un générateur, jouent pour l’émission de NBC.
James et moi sommes revenus pour faire savoir que notre patrimoine musical ne s’éteindra pas, nous avons besoin de New Orléans et New Orléans a besoin de nous. J’ai pris ma décision, je veux juste m’assurer que notre musique restera vivante et je vais aider à diriger New-Orléans.
En 2007, la police interrompt un défilé commémoratif dans le Tremé, et deux cousins, Derrick Tabb et Glen David Andrews sont menottés (un habitant se plaignait du bruit). Troy, douloureusement conscient des difficultés auxquelles sont confrontés les musiciens de New Orléans et des forces sociales et politiques au sein de la ville qui inhibent et répriment sa culture, coopère à la fondation de Roots of Music (programme d’éducation musicale gratuit à l’échelle de la ville. Il est également un ardent partisan du Louis « Satchmo » Armstrong Jazz Camp où il a séjourné quand il avait 10 ans.
En 2008, dans l’émission NBC « Sunset Strip », Troy joue « O Holy Night » à la trompette. La réaction des téléspectateurs à cette performance est écrasante, incitant NBC à publier la chanson en la téléchargeant gratuitement sur le site Web du réseau. Lors d’un concert du « Jazz at Lincoln Center » axé sur le jazz des débuts de New Orléans, Troy fait partie des musiciens vedettes « Kings of the Crescent City ». Il souffle dans sa trompette avec suffisamment de puissance, de mordant et d’âme pour faire rugir le public haut de gamme et réservé du Lincoln Center. Il vole la vedette! En 2009, Troy est le plus jeune artiste présenté au New Orleans Jazz & Heritage Fest.
Et en 2010, première nomination aux Grammy Awards pour Backatown, qui culmine au palmarès des albums de jazz de Billboard. Troy est devenu une bête de scène, multi-instrumentiste, star du crossover, emmenant ses musiciens et les spectateurs sur la route du « Supafunkrock », mariage distinctif de rock, funk, jazz, soul et hip-hop. À 25 ans Trombone Shorty est le symbole du renouveau musical New Orleans, avec une carrière internationale effrénée (tournées de 29 spectacles en 31 jours et à peu près autant de vols) Lenny Kravitz rejoint Troy sur scène lors de son concert au New Morning à Paris. En 2010, Troy joue son propre rôle dans la série Tremé HBO. « Personne d’autre ne peut faire ce que fait Troy » (Blake Leyh, superviseur musical de « Tremé ») Troy domine le palmarès des albums de jazz avec « For True ». L’album sonne rock, funky, pop, R&B, ce fameux Supafunkrock! Pourtant, la musique parle du début à la fin des racines de Troy. Lamont Dozier, Kid Rock, Ivan Neville, Cyril Neville, Jeff Beck, The Rebirth Brass Band ne s’y trompent pas et participent à différents titres de cet album exceptionnel. En France, Trombone Shorty enflamme les Festivals d’été, Nice, Vienne, Marseille. Il collabore avec Jeff Beck, Ben Ellman, Warren Haynes, les Red Hot Chili Peppers, Pharrell, Bruno Mars, Mark Ronson, les Foo Fighters, Ringo Starr, The Meters…
En 2011, création de la Trombone Shorty Foundation, grâce à laquelle les écoles de la ville reçoivent des trompettes et des trombones de niveau professionnel, conçus selon les spécifications de Troy et imprimés avec son nom, inaugurant son propre programme pour les écoles. « Je voulais donner des instruments aux enfants afin d’inspirer la prochaine génération de jeunes talents par l’éducation musicale et leur faire savoir qu’ils peuvent aller plus loin car à New Orleans la musique est partout célébrée comme une partie essentielle de la vie-passée, présente et future ». Dans le cadre de sa fondation, Troy a également créé la Trombone Shorty Music Academy, où les étudiants suivent son programme de performance musicale conçu sur mesure. La Fondation Trombone Shorty et l’Université de Tulane collaborent pour créer le Fredman Music Business Institute afin de fournir une formation en leadership dans l’industrie de la musique aux musiciens prometteurs du secondaire. Le Summer Shorty Festival met en vedette des musiciens invités et certains des musiciens les plus talentueux des écoles primaires de la ville. « Ce que nous jouons, c’est la vie » (Louis Armstrong) En 2012, Trombone Shorty est invité à la Maison Blanche, aux côtés de B.B. King, Mick Jagger, Buddy Guy, Jeff Beck, et joue devant Barack Obama. Quelques jours après, il est en tournée en France.
En 2014: lors d’un épisode de la série The Drop du Grammy Museum, aux côtés du maire Mitch Landrieu, Troy parle de son album « Say That To Say » et de l’importance des mentors pour la contribution aux jeunes artistes de la ville. Troy participe au film Snoopy et les peanuts, de Steve Martino. Il crée le mini festival Voodoo Threauxdown, Il manage sa propre parade de Mardi Gras. Chaque année le Krewe Trombone Shorty sillonne la ville. Les gosses, à l’aide de legos crées à cet effet, reproduisent le char Trombone Shorty.
En 2019: il joue Ciel noir dans le film Les Étoiles vagabondes du rappeur français Nekfeu, co-réalisé par Syrine Boulanouar. Au gala de Sesame Street, il a l’honneur d’avoir sa propre marionnette. Le New York Times le qualifie de « force imparable » Il apparait même dans les Simpsons, fait l’objet d’un portrait dans Vanity Fair, est présenté dans des campagnes pour Crown Royal et Folgers déployées à la télévision, la vidéo en ligne, l’affichage numérique, audio, le streaming. Il participe au « Salute to Paul Simon » aux côtés d’artistes internationaux. Le concert sera diffusé en 2022 sur CBS. Il remporte un Grammy Award pour son travail en tant que compositeur et artiste principal sur l’album « We Are » de son ami Jon Batiste.
En 2021: sortie de l’album « Lifted » sur le label Blue Note. Sur la pochette, une photo de Troyenfant dans les bras de sa mère Lois qui vient de décéder; « Elle m’a porté toute ma vie ». Aux Jazz Funerals de sa mère, Troy danse sur son cercueil comme l’avait fait Lois à l’enterrement de son frère Darnell D-Boy.
En Janvier 2023, Troy dirige un voyage d’échange entre jeunes musiciens avec Cuba organisé par la Trombone Shorty Foundation.
Trombone Shorty a rejoint les plus grands groupes pop et rock du monde. C’est une énorme vedette funk, soul et rock psychédélique avec des performances transcendantes, sur fond de chansons qui mettent en avant le cran et la détermination dans les moments difficiles. Assister à un de ses concerts est l’assurance d’une cure d’énergie extatique venue de New Orleans. Beaucoup d’années ont passé. Tant de membres du clan Andrews parsèment les fanfares de la ville aujourd’hui qu’il serait difficile d’imaginer la musique de New Orléans sans eux. Les deux frères sont très proches. L’été dernier ils ont joué ensemble au Festival Jazz à Vienne. James a réussi son pari, il est très fier de Troy, même si maintenant il n’est pour certains que le frère ainé du célèbre Trombone Shorty…
La musique n’est que de la musique », Il s’agit simplement de savoir comment nous l’interprétons, comment nous le diffusons. (Trombone Shorty)
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