R.I.P. Chick Corea

C’est le coeur gros que nous nous faisons l’écho du décès à l’âge de 79 ans du pianiste Chick Corea, l’un des musiciens de jazz les plus importants apparus depuis les années soixante. Pianiste, compositeur, tout d’abord accompagnateur des plus grands noms puis les rejoignant très rapidement dans le gotha du jazz moderne, il était l’un des phares de la musique improvisée et de la musique en général depuis des décennies.

D’origine sicilienne et espagnole, Armando Anthony « Chick » Corea nait à Chelsea, Massachusetts en 1941. Après des études classiques, il déménage à New York, étudie à la Julliard School of Music, et se passionne également pour le jazz bebop, en particulier pour la musique de Bud Powell, et surtout, latinité oblige, pour celle de Horace Silver. Il se perfectionne très rapidement dans cet idiome et commence sa carrière professionnelle en accompagnant le chanteur et showman Cab Calloway, le trompettiste Blue Mitchell et les joueurs de latin jazz Herbie Mann, Willie Bobo et Mongo Santamaría. Très vite repéré par ses pairs, il enregistre on premier album en tant que soliste, Tones for Joan’s Bones, sorti en 1966. Deux ans après suit Now He Sings, Now He Sobs, avec Roy Haynes et Miroslav Vitouš,

C’est à ce moment là en 1968, qu’un certain Miles Davis, qui n’a pas les oreilles dans sa poche et qui est  toujours à l’affût de jeunes talents, lui propose de remplacer Herbie Hancock, alors sur le départ, pour tenir le piano dans son groupe. Les deux hommes (que lie une solide amitié) jouent néanmoins tous les deux sur trois albums de Miles : Filles de KilimanjaroIn a Silent Way et surtout Bitches Brewalbum qui entérine le virage de Miles vers l’électricité, et donne naissance au jazz-fusion. L’album est un best-seller, et la carrière internationale de Chick est lancée.

Tout en continuant à jouer avec le groupe de Miles, dans lequel il expérimente les instruments électriques, principalement le Fender Rhodes, il développe de son côté un répertoire très personnel. Après Hancock, il joindra ses forces brièvement dans le groupe de Miles  à celles d’un autre grand pianiste, Keith Jarrett. On peut entendre leurs entrelacs de claviers sur l’album Black Beauty: Live at the Fillmore West

Il poursuit ensuite sa carrière  solo, qui le mène aux portes de l’avant-garde et du free-jazz, s’alliant avec des musiciens comme Anthony Braxton, avec qui il forme le quartet Circle, avec le contrebassiste Dave Holland, lui aussi « échappé » de chez Miles, et le batteur Barry Altshul.

Au début des années 1970, Corea change profondément de style, abandonnant son jeu « avant-garde » pour un jeu « fusion » avec le groupe Return to forever, tout d’abord expérimentant avec la bossa nova et la musique brésilienne, avec deux musiciens venus de Rio de Janeiro, le percussionniste Airto Moreira (également ex-membre du groupe de Miles Davis) et l’épouse de ce dernier la chanteuse Flora Purim. Se joint à eux le contrebassiste Stanley Clarke, ami de longue date de Chick.

En 1973, Return to Forever change de composition et de style, virage électrique à fond pour un jazz-rock virtuose avec le batteur Lenny White, le guitariste Al Di Meola, et toujours Stanley Clarke, passé à la basse électrique.

En 1976, Chick Corea développe un intérêt croissant pour le flamenco, et sort avec le violoniste Jean-Luc Ponty l’album « My Spanish heart », marqué par ce style.

En parallèle il se rapproche de la musique classique et donne des concerts à deux pianos avec son compère Herbie Hancock. Au programme : Bach, Mozart, Ravel, Debussy...

Les années suivantes voient Corea évoluer dans tous les styles, formant the « AcousticBand » avec John Patitucci et Dave Weckl, une formation de pur jazz, collaborant avec Stevie Wonder ou Paco De Lucia, retrouvant l’électricité avec John Mc Laughlin, composant pour un quatuor à cordes, ou « duettant » avec le banjoïste Bela Fleck. Egalement percussionniste, batteur et vibraphoniste, Chick Corea se produit souvent en duo avec son vieux complice le vibraphoniste Gary Burton, les deux hommes échangeant fréquemment leurs instruments.

Musicien caméléon, pianiste hors-pair, compositeur prolixe, homme courtois et enjoué empreint d’une grande spiritualité, Chick Corea restera pour l’éternité l’une des plus grandes figures du jazz, toutes époques et tous styles confondus.

www.chickcorea.com

Photo ©John BeakeChick Corea au Nice Jazz Festival en 2008

Ecrit par Gilbert D'Alto
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