#Rencontre : Sergio « Milo » Albonico « Zappa et moi »

Journaliste et photographe américain d’origine italienne, Milo Albonico eut la grande chance de croiser la route de Frank Zappa dont il fut le photographe officiel lors de sa dernière tournée. Il confia au Jazzophone les souvenirs de sa rencontre avec le génie italo-américain.

Grand spécialiste de musique, et particulièrement de jazz-fusion (sa carrière est jalonnée de rencontres avec Joe Zawinul, Jaco Pastorius, Herbie Hancock, Miles Davis…) ; Milo put assister de près à la création d’œuvres magistrales par celui dont a souvent dit qu’il était avec Miles aux origines de ce style. Ainsi il pu pénétrer l’intimité du grand homme, assister aux répétitions de l’orchestre et admirer les qualités du compositeur, guitariste, chanteur, qui en grand chef d’orchestre dirige tout son monde à la baguette. C’est le cas de le dire, il signe d’un Z qui ne veut pas dire « Zorro » comme dans la chanson… mais Zappa ! Engagé comme photographe officiel sur la dernière tournée du maître, il put observer tout à loisir les comportements de l’équipe, musiciens et techniciens compris. Son expérience est relatée dans le livre « FZ 88. A visual documentary, Zappa’s final tour » (dont le texte est signé Andrew Greenaway – Wymer publishing, England).

Suite à cette rencontre, Milo a également réalisé la même année (1988,) la pochette de l’album Guitar, compilation de soli de guitare de Zappa enregistrée par lui-même entre 1979 et 1984. Lors de notre rencontre, Milo nous ravit par de nombreuses anecdotes, dont la plupart concernent la dure vie du musicien sur la route, et aussi la concurrence effrénée qui règne dans le milieu. Affable et disert, Milo ne se gêna pas de nous confier s’être parfois senti au milieu de cette troupe, comme le photographe dans « Apocalypse Now » (joué par Dennis Hopper).

A Los Angeles, le jour où David Bowie vint assister au concert de Zappa. Subjugué par le talent du guitariste Adrian Belew, il attira celui-ci à l’écart, afin de lui faire une proposition visant à le faire quitter Zappa pour entrer dans son groupe. pour ce faire, il invita Belew dans un restaurant pour lui faire une proposition. Hélas (pour Bowie), Zappa y était aussi et commenta la situation par un « Fuck you Major Tom ! » magistral. Ou encore la fois où Miles Davis fit des pieds et des mains pour débaucher l’extraordinaire batteur Terry Bozzio, à l’époque avec Zappa, car celui-ci lui rappelait énormément Tony Williams, le batteur de son fameux « second grand quintet » ; mais au grand dam de Miles, celui-ci refusa et s’en alla former un trio avec Jeff Beck !

Ou enfin, comment le chanteur Ike Willis (protégé de Frank), pouvait se permettre, chose inouïe chez Zappa, d’arriver en retard voire de sauter les répétitions, tant il était un élément central du groupe, l’alter ego de Frank ; il nous parla également des goûts musicaux de Zappa, de son immense culture musicale, qui va des singles de doo-wop des années cinquante jusqu’à Varèse et Stravinsky, en passant par le jazz, le rock, le reggae, la pop, et surtout, la soul music et la musique afro-américaine en général. Il se permit même d’adapter en reggae l’un de ses morceaux préférés, le fameux Boléro de Ravel !

Bref une connaissance encyclopédique de la musique, un sens de l’humour ravageur, un goût certain pour la provocation, et une méfiance naturelle envers les institutions, quelles qu’elles soient. Tel était le Frank Zappa décrit par Milo dans cet entretien. Un homme complexe, passionné, intransigeant, parfois ombrageux. Sicilien d’origine qu’il était qui, lors de cette dernière tournée, connut d’abord l’apothéose, le menant naturellement vers l’inexorable chute d’un homme de génie vaincu par la maladie. Un témoignage irremplaçable, d’une grande richesse.

http://www.zappa.com

Ecrit par Gilbert D'Alto
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