Sur La piste d‘un 33 tours : Thélonious Monk, « Les Liaisons dangereuses »

Le 10 octobre dernier, Thelonious Monk aurait fêté ses 100 ans. Cet anniversaire a été célébré par la sortie de la bande originale du film « Les Liaisons dangereuses 1960 » de Roger Vadim, composée par le pianiste et dont les enregistrements inédits semblaient perdus.

1959. Roger Vadim adapte le roman libertin de Choderlos de Laclos au cinéma. Le casting est alléchant : le couple corrupteur est incarné par Jeanne Moreau, belle et hiératique dans le rôle de Juliette de Merteuil ; Gérard Philippe, son mari dans le film, joue l’irrésistible Valmont. Une adaptation moderne et sulfureuse d’une oeuvre littéraire du Siècle des lumières nécessite une illustration musicale à la page : le Jazz, qui fait fureur dans les clubs de St-Germain, sera convoqué comme musique originale. Marcel Romano, directeur artistique jazzophile, qui a déjà présenté Miles Davis à Louis Malle pour Ascenseur pour l’échafaud, est chargé par Roger Vadim  de trouver celui qui composera la bande-son.

Deux formations sont sollicitées, le quintet dArt Blakey et ses Messengers, dont les morceaux figurent sur le seul disque édité à l’époque par le label Fontana. Les enregistrements de Thelonious Monk termineront pour leur part aux oubliettes pour d’obscures raisons de contrats. Il faudra attendre la mort de Marcel Romano pour retrouver dans ses archives les précieuses bandes. C’est un label Français, Sam records, qui obtient les licences grâce au travail méticuleux de son directeur Frédéric Thomas, permettant enfin de graver sur acétate une musique que l’on ne pouvait apprécier que derrière l’écran.

Parmi les musiciens regroupés par Monk, on retrouve Sam Jones à la basse, Art Taylor à la batterie et Charlie Rouse au saxophone ténor. Un autre saxo fait partie de l’aventure : le jeune niçois de 22 ans Barney Wilen. Pris par le temps et des difficultés personnelles, Thelonious Monk ne put composer de nouveaux morceaux: plusieurs de ses thèmes, comme Crepuscule with Nellie, Rhythm-A-Ning ou Pannonica, sont réutilisés. Le chronométrage des séquences lui importe peu : 3h de bandes sont enregistrées… pour 1h 30 de film. La critique s’offusque : film et musique paraissent déconnectés. Thelonious Monk s’engage, probablement involontairement, vers une voie qui représente l’originalité et la rupture du cinéma de la Nouvelle Vague : son style moderne, délicat et aéré, agit parfois en contrepoint de l’action. Une manière pour le jeune cinéaste d’accoucher ce que Jean Renoir préconisait : « Il me semble qu’il faudrait, avec les mots « je vous aime », mettre une musique qui dise « je m’en fous ».

Playlist :

  1. Rhythm-a-Ning
  2. Crepuscule with Nellie
  3. 
Six in One
  4. Well, You Needn’t
  5. Pannonica (solo)
  6. Pannonica (solo)
  7. Pannonica (quartet)
  8. Ba-Lue Bolivar Ba-Lues-Are
  9. Light Blue
  10. By And By (We’ll Understand It Better By And By)
  11. Rhythm-A-Ning (Alternate)
  12. Crepuscule With Nellie
  13. Pannonica (45 rpm Master)
  14. Light Blue (45 rpm Master)
  15. Well, You Needn’t (Unedited)
  16. Light Blue (Makinf Of)
Ecrit par Benjamin Grinda
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