Cette année, les organisateurs du festival languedocien ont choisi la Serbie en pays invité. Avec le soutien du pianiste Bojan Zulfikarpasic, l’équipe de jazz à Junas nous emmène sur des chemins peu explorés, voire des terra incognita : une bonne nouvelle !
18h : le soleil fait flamboyer les vitraux de Daniel Humair tandis que Bojan Z semble s’affairer autour du piano : que nenni ! il entame une magnifique conversation avec son instrument, d’abord en tapotant négligemment le piano, mais déjà la main droite entame la mélodie subtile et inventive. Tout en générosité, le musicien semble converser aussi avec le public, racontant des histoires solaires ou sombres selon le rythme qu’il semble inventer au fur et à mesure. Un griot, mais qui sait bien que tout est écrit à l’avance et qui, de ses mains légères et virtuoses, influe sur les vibrations du moment.
Le temps s’arrête, un comble alors que les compositions du pianiste semblent se mesurer à la nanoseconde. Nous voilà dans un espace-temps particulier, un peu magique, que seuls les musiciens de cette qualité et de cette humilité peuvent nous offrir. L’épure comme cheminement, de citations en improvisations, le champ des possibles est immense. Le métissage se lit constamment, de la musique classique aux musiques populaires de tous horizons. Une entrée en matière somptueuse !
Dans les carrières, nous attend un duo insolite dans le monde du jazz : un violon, mené par Yvette Holzwarth et une guitare dans les mains expertes de Miroslav Tadic. Les sonorités acidulées du violon s’accordent parfaitement avec le son chaud et grave de la guitare. De mélodies slaves et suaves en contes joyeux, les cordes s’accordent et nous envoient dans un éther libéré de toute pesanteur. Du jazz folk, pourquoi pas, quand il a cette délicatesse et ce phrasé. Un final avec une reprise de Ry Cooder particulièrement inspirée.
Une soirée parfaitement équilibrée puisque d’un concert solo, nous terminons avec le quartet Eyot. De l’éther du piano de Bojan Z à un set ancré dans la terre et ses vibrations. Le jazz fusion dans sa quintessence : les musiciens travaillent ensemble depuis longtemps, cela se remarque dans la cohésion de leur prestation : les mélodies de Dejan Ilijic, très rock, accompagnées des riffs ébouriffés du guitariste Slađan Milenović, la rythmique assurée par le batteur Milos Vojvodic et les lignes de basse de Marko Stojiljkovic. On peut se projeter quelques années en arrière, avec ce jazz rock impulsif et pulsé, qui dépasse les frontières, géographiques et culturelles. Eclectique, énergique, quoi de mieux pour finir la première soirée dans les carrières de Junas…
Temple et Carrières du Bon temps – Junas 16/07/25