#Interview de Céline Bonacina 

Céline, de toutes les couleurs.

Interview réalisée au son des cigales, avant le concert, le 21 juillet 2021 au  festival Jazz à Junas.

Il semble que vous ayez écouté de nombreux types de musique, puis que vous les avez digérées, pour ensuite imaginer un univers très personnel ?

Céline Bonacina : Bien vu, votre ressenti correspond exactement à ce que je veux faire. Et je le vois avec le recul. Mais je peux détailler mon parcours pour montrer mes influences principales. Début classique avec le conservatoire, différents répertoires, en particulier les suites pour violoncelle de Bach jusqu’à la musique contemporaine. Le jazz, c’est en autodidacte à l’adolescence et puis le séjour à la Réunion, j’ai un peu mixé tout cela, et cela fait mon style d’aujourd’hui.

Dès votre premier album, on sent votre envie d’apposer une marque : le premier morceau un solo, puis le deuxième, toujours en solo pour ensuite laisser entrer les musiciens.

C.B : Oui, en fait c’est le même morceau. Mais c’était l’idée, c’était dire, voilà je fais du saxophone baryton et c’est mon style. Comme il vient d’être réédité, forcément je l’ai réécouté, et je me rends compte qu’il n’appartient pas forcément au passé. Il donnait naissance à cette couleur, que vous avez repérée, et qui se retrouve tout au long des albums en fait.

Dans les albums suivants, beaucoup de compositions personnelles, des petits morceaux de vie, comme ce Wake up. Mais vous semblez aussi composer en pensant à d’autres musiciens, je pense à Entre deux rêves, cela semble dédicacé à Nguyên Lê ?

C.B : (rires) C’est drôle parce que je compose presque tous mes morceaux, mais pas celui dont vous parlez ! J’aime beaucoup ajouter des compositions des musiciens que j’ai rencontrés et qui ont une couleur qui complètent mes teintes. La preuve, vous n’avez pas fait la différence. Pour parler de mes inspirations, il est vrai que je suis très inspirée par les musiciens avec lesquels je joue. Effectivement, Nguyên Lê, c’était un rêve de pouvoir jouer avec un jour. Cela a été un instant magique, puisque tous les morceaux avec lui ont été fait en une prise.

Vos compositions, vous avez l’idée de les composer pour le sax baryton, pour l’alto ?

C.B : Oui, c’est important, quand je me lance dans un morceau, j’en connais la sonorité. Parce qu’en fait, j’ai un univers par saxophone. Pour tout le reste, je doute, mais ça, je suis sûre.

Quand vous rentrez en enregistrements, est ce que tous les arrangements sont prêts, où il y a de la place à l’improvisation

C.B : Cela va dépendre de chaque projet. Pour Way of life, on y est encore dessus : le répertoire a déjà été rôdé. Beaucoup. Le trio a déjà un vécu. On joue ensemble depuis longtemps, donc quand on est rentré en studio, on avait notre cohérence, c’était calé. En revanche pour Fly fly, le dernier, il a été enregistré d’une toute autre manière, on a eu beaucoup de mal à se réunir tous les musiciens, même si les arrangements étaient pensés, il y a eu plus de choses qui se sont créées en studio.

Dans Fly Fly, il y a Chris Jennings qui fait pas mal de compo. Et l’on dirait vraiment qu’il y a une symbiose entre vos deux univers…

C.B : Ce que j’aime c’est ce partage, que finalement la couleur d’un projet, elle peut être générer à plusieurs, pas juste moi. Au fur et à mesure, j’avais l’impression que ses morceaux avaient été écrits pour moi.

Dans beaucoup de morceaux, peu de chorus, solo, vous conversez constamment les uns avec les autres.

C.B : C’est important, même en concert, chacun a une part presque égale. C’est un moment d’expression partagée ; Bon, danse Vue d’en haut et Way of life, il y a un morceau de soprano solo. Je pense aussi à des solos de barytons qui font comme des interludes. Ça fait des respirations, mais ce n’est effectivement pas ce que je privilégie. Je tiens plutôt à cette osmose que l’on arrive à créer au fur et à mesure.

Les voix sont parfois présentes mais pratiquement jamais de paroles, la voix c’est un instrument de plus ?

C.B : C’est comme cela que j’aime l’exploiter en fait. Soit ma voix ou d’autres musiciens. Sur scène avec Jean Luc Di Fraya. La voix donne une dimension très humaine. Une couleur qui se marie très bien avec les voix instrumentales.

Vous alternez entre concerts, enregistrements, mais il y a aussi l’enseignement, qu’est-ce que cela vous apporte dans votre pratique de la musique ?

C.B : Je dirais que l’un peut nourrir l’autre. Quand on est musicien, on nous demande aussi de faire des interventions, à tous niveaux, soit avec des amateurs éclairés, soit des novices. Il y a aussi des rencontres pédagogiques avec le public. J’enseigne aussi, le saxo, en conservatoire. L’enseignement permet de transmettre d’une autre manière mais le fait d’être musicienne sur scène nourrit mon enseignement. L’apogée, l’acmé de ces allers retours, c’est un projet avec beaucoup de musiciens dits amateurs : rassembler toutes ces personnes autour de notre répertoire, c’est vraiment ce qui m’a permis de faire le lien entre mes vies pédagogiques et artistiques. Un vrai projet de scène.

Pour le moment vous êtes étiquetée musicienne de jazz. Avez-vous envie d’en sortir, ou le jazz, cela peut inclure beaucoup de musiques ?

C.B. : Le problème est le mot étiquette. Il y a des gens qui me classent dans le jazz fusion, d’autres arguent du fait que j’ai vécu à la Réunion, or moi je pense que le jazz, aujourd’hui, peut regrouper beaucoup de choses, on n’est pas dans la world, évidemment. C’est bien aussi de rafraîchir l’étiquette de jazz, de vivre cette musique comme un parcours évolutif, le jazz a l’avantage de toujours écrire son histoire, et je ne sais pas où elle va s’arrêter…

Votre projet avec Laurent Dehors cela va dans ce sens-là ?

C.B. : Ce projet, j’ai hâte : c’est un vecteur d’expression phénoménal, je n’aurais jamais imaginé, en n’étant que deux, qu’il puisse y avoir autant de couleurs, d’expressions dans un espace de liberté totale. Nous avons deux univers, à priori, assez dissemblables, mais quand on est tous les deux sur scène, il y a une alchimie qui regroupe nos influences et qui unifie nos styles. On se donne une énergie dans ce qu’on est capable de faire, et même, on va encore plus loin ! J’espère vraiment qu’on va pouvoir le développer. Le jouer sur scène, l’enregistrer. Le rêve.

celine-bonacina.com

Ecrit par Corinne Naidet

Un commentaire

  1. Pingback: Festival Jazz sous les Bigaradiers 2023 | Le Jazzophone

Laisser un commentaire

  • Les concerts Jazz et +

  • Le Jazzophone