#Jazz & #Culture : TREME Mardi Gras indien

« À New Orléans vous n’avez pas besoin de raison de faire ce que vous faites, vous le faites parce que c’est comme ça  » (Larry Bannock, Président du conseil Indien Mardi gras de Nola)

Aux XVI et XVII°s, les Français en Louisiane cherchèrent des partenaires commerciaux parmi les tribus amérindiennes. Les esclaves noirs servaient souvent de monnaie d’échange pour les Européens qui désiraient acheter des terres, faire un cadeau en signe de paix, ou racheter leurs propres prisonniers. Les esclaves qui fuyaient se réfugièrent dans les bayous  trouvèrent asile dans les communautés indiennes. Ces captifs étaient peu à peu intégrés à la tribu. La guerre d’extermination des Indiens décimait la population masculine, et les esclaves africains étaient des hommes courageux et valides. Mariés à des filles indiennes, ils régénéraient la communauté, la renforçaient face à l’ennemi commun : l’envahisseur européen. Naquirent un grand nombre d’enfants métis afro-amérindiens, membres à part entière de la tribu du fait que la propriété et l’hérédité étaient transmises par lignée maternelle. Dès 1502 des voyageurs rapportent que les esclaves africains vivaient «dans d’aussi bonnes conditions que leurs maîtres»

«L’esclave trouve plus du lait de la bonté humaine au sein de l’indien sauvage que dans le cœur de son maître chrétien » (F.Douglass, 1850)

Dès 1780 esclaves et hommes de couleur libres de la Nouvelle-Orléans utilisaient des plumes et des masques pour se déguiser. Peu à peu éliminés du carnaval des Blancs, ils se seraient approprié le symbole de l’homme sauvage en créant deux formes de carnaval : les Mardis gras indiens et la Zulu Parade (Kinser 1990).  Cette tradition collective qui se perpétue prend ses racines dans la plaie géante de l’esclavage, la double ségrégation raciale et sociale, et l’esprit de résistance autochtone.

Chaque année une quarantaine de « tribus » défile le jour du Mardi gras (Super Sunday) et la nuit de la St Joseph, le long du bayou St Jean qui jouxte le quartier Tremé. Elles parcourent les rues pour rencontrer d’autres gangs, rivalisant de beauté dans leurs costumes tout en perles, plumes et paillettes et reprennent des danses et des chants rituels. Elles transmettent un message socioculturel et montrent le travail long et précis de l’année entière, confection de costumes somptueux cousus main aux « vertus magiques », pesant plus de 50 kilos et coutant très chers, brodés de scènes symboliques. (Tremé, HBO).

Chaque tribu est composée d’hommes d’un même quartier (Ward) réunis autour d’un leader appelé Big Chief qui a assis sa notoriété en cousant depuis l’enfance des costumes aux milliers de perles et de plumes. Fier, refusant de courber l’échine, il doit gagner le respect d’une tribu rivale et s’attirer les faveurs du public grâce à la richesse et à l’originalité des costumes, chants, dialectes, jeux théâtraux. Le Flag Boy porte le « drapeau du gang », un énorme bâton orné de plumes. Le Spy Boy signale l’approche des tribus rivales par le langage de la danse, des cris, des hurlements.

Autrefois Mardi Gras était jour de fête et bain de sang : « masquer », défiler, et régler ses comptes. (« Iko, Iko » raconte la confrontation de 2 tribus). Aujourd’hui, les Mardi gras indiens ne sont plus violents. Lorsque deux tribus se rencontrent, elles passent ou s’affrontent dans un combat symbolique, bataille rituelle très théâtrale, qui permet de faire étalage des costumes, techniques, danses, chants, transmis de génération en génération (« Big Chief »), rythmiques répétitives avec appels, réponses. Un sentiment de fraternité unit les membres de chaque confrérie qui comparent leur savoir-faire. Chaque tribu s’aligne et les «Big Chiefs» se narguent en silence, en comparant leurs costumes avec fierté. Les battements de tambour s’entremêlent durant la confrontation. Puis les deux tribus continuent leur chemin. 

Au cœur du Tremé, La tribu Zulu (fondée en 1916) est la plus grande organisation de carnaval afro-américaine de New Orléans. Ici les gens se précipitent au passage des Zulus pour ramasser des colliers et remporter le trophée : la noix de coco peinte. En 1949 Louis Armstrong, élu King Zulu reçoit les clés de la ville des mains du maire. En 1970 les Black Indians créent une association d’entraide, Mardi Gras Indien Association. Les associations d’entraide pallient encore aujourd’hui les manquements de l’État en matière de politique sociale. Spirit of New Orleans..

« On ne continue pas seulement par respect pour nos ancêtres nous voulons encore enrichir l’histoire » Bo Dollis Junior M

Ecrit par Monique Bornstein
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