#Interview 20syl – Hocus Pocus

Le 20 avril 2012, les 5 membres d’Hocus Pocus rejoignaient C2C à Tokyo pour un dernier show. Après 9 ans d’absence, et différents projets solos ces dernières années, le collectif hip-hop, à la recherche de sensations perdues, s’est reformé pour une tournée anniversaire à l’été 2019.

Sur scène, la même équipe autour du Beat maker 20syl, DJ Greem aux platines, David Le Deunff à la guitare, Matthieu Lelièvre aux claviers, Hervé Godard à la basse, Antoine Saint-Jean à la batterie. Un trio de cuivres et le rappeur américain, Mr. J. Medeiros. Le groupe nantais a grandi à l’écart des collectifs de la banlieue parisienne et de la planète Marseille. Fondé en 1995, Hocus Pocus grave, dès le départ, un son nourri de jazz et de soul aux sources des musiques noires américaines, et pose de vrais instruments sur scène. Hocus Pocus c’est du hip-hop new-yorkais, et rien d’autre.

Rencontre avec 20syl à la Fiesta des Suds à Marseille 12 octobre 2019.

Quel bilan tirez-vous de cette tournée ?

20syl : On a l’impression que le public a aimé. C’est de super retrouvailles. Il a pris 10 piges comme nous (sourire) mais on a gardé le frisson. L’alchimie a fonctionné. Refaire une tournée après 9 ans d’absence, c’était l’occasion de rejouer ensemble et on a pris pas mal de plaisir à construire ce spectacle. Au début, il a fallu éliminer toute la partie cérébrale pour introduire plus d’instinctif et bien profiter de la scène. Des moments assez magiques d’ailleurs. Ça redonne envie de mettre plus d’instrumental dans des productions devenues très électroniques.

 Quel regard portes-tu sur la nouvelle génération Rap ? 

20syl : J’ai l’impression que la nouvelle scène est plus culottée, plus radicale il y a plein de types de narrations. Nous étions encore pris dans les conventions. Côté instrumental c’est différent, il y a un côté décomplexé où rappeurs et rappeuses se frottent à des choses plus électroniques. Les Beatmakers font aujourd’hui autant de la Techno, de l’électro, que des choses qui n’ont rien à voir, et l’instrumental manque dans les productions actuelles et sur la scène française moins imprégnée par la musique noire américaine comme le gospel.

Que reste-t-il des influences ?

20syl : Nous avons été marqués par le Jazz et d’ailleurs, nous avons fait dernièrement une scène avec Ibrahim Maalouf. On aimerait créer avec le saxophoniste Christophe Panzani. Mais au-delà d’une envie d’aller vers une direction artistique ou une autre, il a surtout des envies humaines. Difficile de dire, aujourd’hui, si nous irons vers un projet Jazz ou de la Techno. Le fait d’avoir traversé le projet C2C et d’avoir joué dans tous les festivals électro de France, forcément j’ai découvert plein de choses. Et, en tant que Beat maker cela a changé ma manière de travailler, d’oser incorporer de l’électronique plutôt, que de l’analogique pur et dur ou que du digital.

Porteur de narrations conscientes, le Jazz Rap et Jazz Hop irriguent cette pop culture que le collectif Hocus Pocus investit. Pour les générations qui n’ont écouté que des tempos 70 BPM et des voix auto-tunées, c’est un ovni musical. En 3 albums, 16 pièces avec Motown France, 73 touches et Place 54 couronné d’un Gold record, les rappeurs ont imposé leur univers musical.

Y a-t-il 3 prods que tu revendiques plus que d’autres ?

20syl : 73 touches avec On and On records, le début d’un projet, la création du label (qui abrite aujourd’hui les projets de la sphère Hocus Pocus), le premier vinyle qui ont emmené notre musique à Paris ce qui n’était pas évident pour nous, groupe nantais. Globalement à ce moment-là, Radios et DJs ne jouaient que du Rap américain. Il y a aussi la prod de « On the road » de C2C réalisée en partant de la maquette de Greem de partitions blues et redécoupée avec les platines. Je pense que ça a marqué notre carrière. Enfin, le remix de Kendrick Lamare que j’ai fait et qui m’a emmené sur des scènes outre-Atlantique plutôt qu’en France ».

Hocus Pocus célèbre le hip-hop qu’il a découvert « en puriste » et cultive une bonne dose d’autodérision des looks très étudiés de Grandmaster Flash au bling-bling actuel. 20syl n’hésite pas à revisiter « J’ai le majeur qui me démange » ou « Hip Hop ». Pour des textes plus conscients comme « Quitte à t’aimer », le collectif persiste et signe. Les problématiques abordées sur les inégalités ou le racisme sont toujours d’actualités. « Plus on est précis Plus on est universel » souligne le Beat maker.

Comment jugez-vous l’évolution du Hip Hop hexagonal ?

20syl : Je me situe à l’opposé de ce qui se dit, à savoir que l’Hip Hop est mort. Pour moi, il n’a jamais été aussi fort.Il est riche, diversifié, il a mûri. De notre côté, nous mixons notre flow à une bande-son très Jazz. Des exemples variés qui dessinent un vivier du rap français, avec des ponts entre différents styles. C’est l’esprit originel du hip-hop, né du recyclage, opéré par le DJ qui samplait des breaks de batteries, des chorus funk. Tant qu’on gardera ce métissage, cette idée de transformer l’énergie négative en force positive, le Hip Hop restera un mouvement fort !

Cette tournée est-elle d’un retour d’Hocus Pocus ?

20syl : C’est un one shoot. Chacun de nous est très créatif individuellement. Le Deunff, Greem avec son nouveau projet Grand Turn à la fois cinétique et électro, Mr J. Medeiros « Attila » et un nouvel album pour C2C. Mais l’on ne s’interdit rien. En tant que rappeur, écrire un album de positionnement reviendrait à écrire un album solo et aujourd’hui ce ton, dans le texte, ce n’est plus vraiment Hocus. Je compose beaucoup et j’ai vraiment envie d’aller au bout du cycle. D’ici 3-4 ans… À suivre.

Ecrit par Lawrence Damalric

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