Dans un festival de musique, il va sans dire que le son est primordial. Des techniciens travaillent depuis le matin pour que le paysage sonore, le soir, soit tout à la fois à la hauteur des exigences des musiciens mais aussi un plaisir pour le public. Rencontre avec Tony Baudin, régisseur, qui s’occupe du “son façade.”
Première question basique, quelles études pour s’y retrouver dans toute cette technique et manipuler les énormes consoles?
Cela fait longtemps que je suis dans le métier, et à l’époque par relation, on pouvait mettre la main à la pâte directement, assistant, on apprenait au fur et à mesure. La technique s’est complexifiée et il faut un minimum de bagage technique, il existe des BTS qui forment à ces métiers ou des formations professionnelles. Le monde de la sono est en fait très récent, soixante ans, mais en si peu de temps cela a évolué très vite, on théorise beaucoup plus sur l’acoustique, et puis le numérique apporte tout le temps de nouvelles techniques.
Passons justement à la technique
Tony présente l’ensemble : « Sur ce type de festival, on tient le rôle et de régisseur et de technicien. Il y a en fait quatre postes professionnels, le son façade dont je m’occupe, la régie son retour, la régie lumière, et la régie plateau. Et c’est la même équipe globalement depuis 25 ans. Du coup on a des habitudes, cela aide, cela fait gagner du temps. »
Pour préparer les soirées, cela commence par une annexe aux contrats, technique : fiches qui détaillent tout le matériel, son et lumière, avec un patch, une liste avec le type d’instruments ainsi que les micros souhaités pour ces instruments. Cela permet d’avancer le travail, quand le groupe arrive, une grosse partie est préparée. Certains artistes arrivent avec leurs propres instruments, mais ce n’est pas général – il est de plus en plus difficile de voyager avec un gros bagage – donc, ils demandent en amont tous les types d’instruments qui les attendent alors sur site. En général, les groupes arrivent avec leur propre technicien, donc le dialogue s’établit entre nous deux, on parle la même langue, cela facilite le travail ! C’est un rapport de professionnel à professionnel. Après, lors de la répétition, on suit la fiche technique reçue, souvent réactualisée en fonction des circonstances. Tony devient plus technique : on va développer la balance selon un ordre habituel, on commence par la rythmique, on finit par les instruments plus mélodiques, enfin les voix. Mon travail est de tout préparer en amont puis on laisse la console au technicien du groupe, c’est facile, car celles que l’on a ici, c’est à un niveau de qualité où chacun s’y retrouve. Elles sont normées, et on peut s’adapter. Lui va s’occuper du mixage artistique du groupe.
Les conditions météorologiques doivent aussi jouer un rôle dans cette technique, cette chaleur…
« Un des points sur lesquels on est vigilant, effectivement, c’est l’état du matériel, on a ainsi sur les amplis, des capteurs qui donnent la température à l’intérieur et du coup je sais si mes amplis sont en état de répondre convenablement à ma demande de niveau sonore. Ici, le constructeur donne une plage d’utilisation qui va jusqu’à 50 degrés, on a un peu de marge. Ce qui est aussi important c’est la variation d’hygrométrie. Dans les très gros festivals, il existe du matériel qui permet d’intégrer les variations de température et d’hygrométrie aux réglages qui ont été faits. »
Autre élément important.
« Quand vous arrivez devant un scène, en tant que spectateur, vous voyez les instruments, c’est évident. Si on ne sonorisait pas, vous ne l’entendriez qu’à certains endroits, et puis il y a des interactions, des réflexions avec les parois rocheuses, qui font que votre cerveau analyse ce qu’il voit et entend, et les deux images concordent. Quand vous sonorisez, votre cerveau ne va pas appréhender les choses de la même façon, parce que le technicien n’a plus que des enceintes pour diffuser le son, et c’est plus une immersion dans le son acoustique du lieu. Du coup, l’image visuelle et acoustique ne sont pas toujours raccord. La difficulté, est en fait de faire en sorte que cela paraisse naturel.
Vous travaillez en interaction avec le technicien qui s’occupe des retours, ou c’est indépendant ?
Les deux, techniquement c’est totalement indépendant, on a deux régies, on peut faire des réglages totalement différents, l’un et l’autre. Cela va dépendre des demandes spécifiques des musiciens. Dans le son ” retour”, on a souvent une approche plus fonctionnelle qu’artistique du son. Par contre, comme on se connait tous les deux depuis longtemps, on arrive à travailler d’une façon cohérente, ensemble.
L’instrument le plus difficile à sonoriser ?
« La voix, on parle tous, c’est l’instrument que l’on connait le mieux. Du coup, c’est l’instrument sur lequel on sera le plus à même de détecter quelque chose qui ne va pas. On peut, par exemple, au début d’un concert, sous-mixer un peu la voix, pour laisser le temps qu’elle se chauffe…
Le moment du concert arrive, il est 21h…
« Oui, là, on est vraiment dans le côté psychologique. Aux balances, le musicien est face à des chaises vides, là, il est devant plusieurs centaines de personnes, il ne va pas jouer pareil, il n’est plus dans le même état d’esprit. Donc même si on avait fait une balance parfaite, le son n’est plus le même. Il faut rester très concentré, être constamment à l’écoute. C’est tout l’enjeu. »
Tony conclut : « Maintenant, ce que je trouve un peu dommage, c’est que je ne peux pas écouter un concert, même quand je suis spectateur, de la même façon. Mon métier est toujours là, j’ai vraiment l’impression de ne pas en profiter complètement, de ne jamais pouvoir me laisser emporter.