Les dessous (chics) d’un estival festival : épisode #1

Lors de la 29eme édition de Jazz à Junas, du 19 au 23 juillet le Jazzophone vous propose de pénétrer dans les coulisses de l’organisation de cette manifestation. Orchestré par une association de bénévoles dont la plupart étaient déjà présents dès la première édition, au siècle dernier, ce festival propose cinq jours d’immersion totale dans la note bleue. Aujourd’hui, nous nous intéresserons au périlleux et mystérieux travail qui permet de proposer plus de quinze concerts en différents lieux de la petite cité gardoise.

Quand on interroge Fabrice Manuel et Stéphane Pessina, créateurs de Jazz à Junas il y a vingt neuf ans, on sent la passion, l’enthousiasme. Là où l’on imagine planning, rentabilité, contrats, budgets, Fabrice et Stéphane nous rétorquent histoires à raconter, énergie et amitiés liées au fur et à mesure des éditions qui se sont enrichies des manifestations au Vigan, au Pic St Loup ainsi qu’à Vauvert.

Afin de mieux comprendre, nous allons nous concentrer sur trois questions :

Quand ?

Cela commence dès la fin aout, onze mois donc avant, entre les deux complices, avec Pascal Domenech, aussi. Et là, ce qui prévaut aux débats, c’est ce que chacun a envie de dire, de raconter dans le prochain festival ; la discussion ne tourne donc pas autour de noms, de groupes, mais de ce que va « dire » la future édition, les deux partenaires expliquent la suite : « En septembre les premiers noms sont cités, avec une obligation, ne pas parler argent, mais on sait alors nos teintes artistiques. Techniquement, en octobre la commission artistique se réunit, et la programmation doit être terminée pour la présenter au C.A qui la valide. Vient le moment des réseaux et ce sont les deux salariés de l’association qui entament les invitations. La programmation est pratiquement terminée fin novembre début décembre et fin mars tout est bouclé, mais cela peut évoluer encore. »

Comment ?

Il fut un temps où les deux compères se déplaçaient, maintenant c’est l’immense réseau qui s’est tissé depuis près de trente ans qui fonctionne. « Avant, on avait des caisses de CD voire de cassettes qui nous arrivaient maintenant ce sont des liens, tous les jours.  Dès lors que l’on travaille sur une thématique, on va chercher les artistes, on ne fait pas de hiérarchie, ce qui compte c’est le bon moment pour chacun. » Et Stéphane Pessina d’ajouter : « On fait aussi très attention à l’énergie de chaque soirée, ce n’est pas la même que l’on peut apporter le jeudi  ou le samedi, chaque jour a une spécificité liée aux mouvements du public, particulière à chaque soirée. On en tient compte dans la programmation ». Les agents, bien sûr. « Mais surtout des artistes avec qui on a établi des relations humaines fortes, des amitiés. Ce que l’on a pu imaginer avec Paolo Fresu, l’un des parrains comme le projet F. à Léo, un grand moment !

il n’y a pas que les agents, même si depuis le temps on les connait pratiquement tous les agents, on a grandi avec certains; ainsi on peut discuter de manière informelle avec le leader d’un groupe, puis on passe par l’agent.  D’ailleurs, ce ne sont pas forcément non plus des personnes que l’on connait, cette année, avec la scène anglaise, par exemple Portico Quartet, ce n’est pas un agent étiqueté jazz » ajoute Fabrice Manuel. Il y a aussi les contacts avec les autres organisateurs. « Cette année, Mammals hand, c’est nous qui leur avons organisé une tournée grâce à nos contacts avec le festival de Millau ». On travaille aussi beaucoup avec Vitrolles, Charlie Jazz. Bien sûr, il arrive qu’un groupe ne soit pas libre le jeudi mais le vendredi…On préfère refuser, l’équilibre reste essentiel, première, deuxième partie, sans d’ailleurs choisir la notoriété. En fait, l’essentiel, on croise les mondes des artistes, comme l’année de l’Arménie, un musicien, il n’a pas forcément une vie d’artiste, on a été cherché un marchand de chaussures…

Les particularités ?

On a envie de présenter un spectre local, national et international, on tient au panachage. Les artistes en région, on les emploie aussi pour les activités pédagogiques. On a tenté aussi les créations mais ce n’est pas le lieu. Stéphane se souvient « 2021, Supersonic, de Thomas de Pourquery puis le groupe de Fred Pallem, ils se connaissent depuis longtemps, la soirée fut grandiose. En 2001, on invite HUM ( Daniel Humair, René Urtreger, Pierre Michelot ) mais aussi un artiste de 14 ans qui arrive d’Arménie, Tigran Hamasyan et le trio propose à Tigran de  prendre le tabouret de René Urtreger au piano sur quelques morceaux…

Au tour de Fabrice de se souvenir : « Toots Thielemans joue le mercredi, et il est tellement heureux, qu’il dit je reste, le vendredi, le samedi, à mes frais, et chaque soir, il est monté sur scène avec Didier Lockwood, avec Philip Catherine. Ça, c’est la magie du bœuf en jazz.

Question subsidiaire, l’investissement personnel ?

Cela fait partie de notre vie, on sait ce que cela nous prend, tous les jours, entre midi et deux, le matin avant d’aller travailler, entre minuit et deux heures…Ce que c’est, la passion !

Et ne manquez pas le 20 juillet 2022, au Temple à 18h, OLLY JENKINS et JOHN OWENS puis  à 21 dans les carrières,JOHN SURMAN QUARTETsuivi de SHABAKA HUTCHINGS « Sons of Kemet »

www.jazzajunas.fr

 

Ecrit par Corinne Naidet
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