Enfin ! Après deux ans, l’équipe du Jazzophone foule de nouveau le parterre sablonneux de la Grande Pinède Gould pour le premier concert du 60ème anniversaire Jazz A Juan. Et quel concert ! Deux monstres, deux légendes au faîte de leur carrières respectives et de leurs possibilités.
Grande impression de plénitude face à ce cadre exceptionnel, baigné par le soleil couchant, alors que s’affairent les techniciens pour le 1er concert de ce « retour à la (presque) normale ». Et c’est parti ! Après quelques mots de Philippe Baute, Directeur de Jazz à Juan, qui rendit hommage à Jean-René Palacio, le regretté directeur artistique du festival, qui nous a quittés il y a peu, Kenny Barron et ses hommes firent leur entrée sur scène, sous les applaudissements d’un public qu’on eut aimé plus nombreux pour ce qui s’apparentait à une renaissance. Kenny Barron, donc. Suivi de Peter Washington et sa contrebasse, Steve Nelson et son vibraphone, et de Jonathan Blake, énorme batteur dans tous les sens du terme.
Dés le début, une évidence s’impose : Kenny Barron est l’un des meilleurs pianistes de jazz au monde, sa technique est sans faille et sa musicalité prodigieuse. Le répertoire ancré dans le bebop parcourt les standards du style, compositions de Thelonious Monk, un hommage à Duke Ellington introduit au piano solo, et une relecture très personnelle de « Body and soul« . Les entrelacs du piano et du vibraphone sont exquis, tout comme les prouesses de la rythmique, avec une mention spéciale à Jonathan Blake, impressionnant de puissance et de finesse, ce qui est loin d’être antinomique, la preuve .
Puis Avishai Cohen fait son entrée sur scène, en compagnie de ses deux comparses Elchin Shirinov : piano, natif d’Azerbaïdjan et la jeune Roni Kaspi : batterie. A l’inverse de Kenny Barron, ici, point de standards, mais uniquement des compositions originales, toujours dans cette lignée d’un jazz embrassant influences orientales et latines, triturant classique, flamenco, voire pop. Un Avishai Cohen étonnamment sobre, pas de chant, peu d’interventions au micro, pas de passage à la basse électrique ni au piano, mais un festival de contrebasse, que ce disciple de Charles Mingus maitrise de façon parfaite. Une heure et demie de pyrotechnie ce la part de ce trio, exemplaire en tout point.
Elchin Shirinov me semble être à l’aube d’une grande carrière, son jeu expressionniste et romantique à la fois le rapproche d’un Shaï Maestro, dont on connait le talent. Quant à Roni Kaspi, c’est un régal de tous les instants que de la regarder et de l’écouter. Un jeu d’une intelligence rare, sensible à toutes les vibrations de la musique… Un trio hors-pair, comme cette première soirée de Jazz à Juan.