#INTERVIEW La « Quincaillerie » de Didier Lockwood

La « Quincaillerie » de Didier Lockwood
par Jean Pierre Lamouroux

Il y a 20 ans, le violoniste de jazz Didier Lockwood quand il rencontre Stéphane Grappelli, l’un des piliers dans les années 1950 du célèbre quintet du Hot Club de France « mais comment ça marche ton usine à gaz, c’est de la quincaillerie… » dit Stéphane Grappelli au jeune musicien qui joue sur un violon électrique. Didier Lockwood depuis ce jour, a joué longtemps avec son maître avant de donner après sa disparition, des récitals en forme d’hommage comme celui en février à l’Opéra de Nice(1), la même scène où Stéphane Grappelli s’était produit un même 27 février en…1948, moment d’émotion.
Didier Lockwood : Oui, c’est normal parce que c’est Stéphane qui m’a épaulé complètement quand j’étais plus jeune. C’est lui qui m’a repéré, qui m’a emmené dans des concerts et qui m’a fait connaître le milieu du jazz, moi j’étais plutôt dans le rock avec Magma à l’époque et voilà, il m’a entendu dans un big band puis il est venu me dire, « est que ça vous plairait de me suivre dans mes concerts ? »
Jean Pierre Lamouroux : Il y a une belle anecdote avec lui au sujet de vos instruments.
Didier Lockwood : Oui, il était parti aux Etats-Unis, il avait ramené un violon Barcus Berry c’était un Fender,il l’a gardé dix jours et, il me l’a donné parce qu’il disait qu’il n’avait pas besoin de ce truc-là. ..bon, je l’ai trafiqué, j’ai essayé d’en faire autre chose (rires),à
l’époque, il voyait çà effectivement comme de la quincaillerie, de nos jours,c’est de la haute technologie. Il est différent sur sa forme et sur le matériau,il n’a pas de cordes qui donnent de la résonance, mais il en a six dont deux plus graves que le violon classique, je couvre la tessiture du violon alto et pratiquement celle du violoncelle….bien sûr, c’est moins intime à l’oreille, mais c’est plus facile pour construire des espaces parce qu’il n’y a plus de larsen.
JP L : Comment voyez-vous la musique de jazz en ce moment, peut-on classer les musiciens dans une catégorie bien définie?

Didier Lockwood : Le problème aujourd’hui, c’est que le jazz, il est parti dans une voie plus cérébrale, c’est vrai que la difficulté, c’est de voir comment les choses évoluent et surtout les jeunes musiciens, je trouve qu’il y a moins d’incarnation, il n’y a pas que dans le jazz, dans le classique aussi…mon plaisir, c’est cette incarnation, je prends du plaisir quand mon corps va dans la musique.
JP L : À quel moment, dans quelle situation vous composez ?
Didier Lockwood : Je compose sur de nombreuses routes, là j’écris une pièce de 45 minutes pour orchestre symphonique avec 6 violonistes pour l’anniversaire des 100 ans de Yehudi Menuhin, je fais des musiques de film, j’ai fini mon disque avec mon nouveau quartet avec André Ceccarelli entouré d‘Antonio Farao au piano et Darryl Hall à la basse…je vais être prétentieux (rires) tout est beau, la mélodie, le son, les espaces, bref, je renoue avec un truc digeste et bien sûr je m’occupe toujours de mon école de musique improvisée qui est en enseignement supérieur et bientôt on pourra donner des Masters.
JP L : Vous êtes toujours en ébullition musicale,est-ce une façon de garder la forme ?
Didier Lockwood : Oui, oui, vous avez raison, c’est cette drogue (rires), j’essaie de transmettre aux jeunes, je leur dis, vivez la musique, c’est la plus grande de vos richesses,profitez de chaque instant, progressez, avancez et vous verrez que dans la musique, il y a,une dimension initiatique pour bien vieillir et voir les choses et entendre mieux.
Didier Lockwood,celui qui en demande toujours plus à son violon, au cours de ce concert à Nice dans le classique titre, La Mer
il a réussi à nous faire entendre les sons des mouettes et une sirène de bateau ou encore sur Barbizon Blues où il scatte comme la voix d’un chanteur, non, le violon de Didier Lockwood n’est pas une longue… valse tranquille.

(1) Ville de Nice, La Ruche et Imago Productions avec Diego Imbert (contrebasse) et Noé Reinhardt (guitare)

Ecrit par Jean-Pierre Lamouroux

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