#Jazz et #Polar : Petite musique de nuit

Dès le début de ce roman, on plonge dans la meilleure eau du roman noir américain, même si le récit se passe à Solitary Mountain au Canada et l’auteure Andrée A. Michaud est québécoise.

Un homme, Bob Richard, arrive dans une petite ville. On sent qu’il a un lourd passé, que ses épaules sont tombantes. L’homme espère un nouveau départ. Bob est albinos, animer une émission de nuit sur la radio WZCZ lui permettra d’échapper aux regards curieux, souvent inamicaux. Des nuits bleues à programmer majoritairement du jazz comme « Georgia of My Mind » de Ray Charles, morceau qui va jouer un rôle important dans l’intrigue.

« Je laissais la musique me parler de l’occident, qu’il fût noir ou blanc, et je m’évadais hors du studio, je survolais la chaine des Blue Ridge et les champs de coton de la Géorgie où la foi des esclaves fourbus ensemençait les ciels d’orage, je suivais Liza Minelli jusqu’au New York des années 40 ou montait à bord du « A Train » de Duke Ellington afin qu’il me conduise jusqu’à St Louis, Missouri où résonnait encore la voix alcoolisée de Bessie Smith interprétant St Louis Blues. »

Bob rêve, mais sa vie va vite tourner au cauchemar quand une voix langoureuse lui demande « Play misty for me ». Inquiétant pour qui connait l’histoire du film éponyme de Clint Eastwood. Le lecteur naviguera alors entre fiction, musique et réalité dans une brume étrange et maléfique où s’enfonce Bob petit à petit. Un premier cadavre pour rendre encore plus étouffante la nasse dans laquelle va se débattre l’animateur. À qui appartient cette voix au téléphone qui avait déjà inquiété son prédécesseur, mystérieusement disparu ? Les candidates sont nombreuses, malheureusement, à chaque fois que Bob croit avancer, c’est sur un cadavre qu’il trébuche.

Un roman envoutant, tout à la fois très noir, onirique, parfois cocasse : le meilleur ami de Bob s’appelle Charlie Parker et sa logeuse Rita HayworthLazy Bird, titre de ce roman, est un morceau de John Coltrane extrait de l’album Blue Train en 1957. C’est aussi le surnom que Bob Richard, donne à une jeune paumée, un petit oiseau tombé de nuit, qu’il rencontre par hasard. Mais y a-t-il de la place au hasard dans ce roman, tant les destins semblent inéluctablement tracés ? Les morceaux de musique, les films, eux non plus, ne
sont pas là par hasard : ils sont remarquablement choisis pour instiller, répandre cette atmosphère envoutante et inquiétante. Jusqu’à la note finale. Une bien belle partition.

Lazy Bird, Andrée A. Michaud, Rivages/noir 2018

Ecrit par Corinne Naidet

Les commentaires sont fermés.

  • Les concerts Jazz et +

  • Le Jazzophone