#Jazz & Histoire : Brassens et le Jazz

Depuis qu’il a quitté le port, il n’a pas été remplacé. Son trou dans l’eau ne s’est pas refermé, quarante après, coquin de sort, il manque encore ! 

L’attrait de Brassens pour le jazz a débuté avec certaines œuvres de Vincent Scotto au rythme swing et certains duos de Charles Trenet et Johny Hess. De plus, les longs métrages américains où les acteurs chantaient et dansaient, stimulent son imagination dans cette direction. Cela se poursuit quand sa sœur l’amène voir au Théâtre de Sète un chef d’orchestre nommé Bouillon : ancien violoniste, il a monté, en 1934, un orchestre de quinze musiciens qui jouent une musique dansante et enjouée ! Le jeune garçon est émerveillé par les suites orchestrales sur des rythmiques swings. C’est ce qui le décide à faire de la musique. Malgré l’avis contraire de sa mère, il décide de faire immédiatement ce qui lui plaît : puisqu’il aime le jazz, il va s’y mettre avec quelques amis. En 1938, il forme son propre groupe avec Emile Miramont au banjo, Henri Delpont au chant, un pote à la guitare et un autre au saxophone : lui, joue de la batterie avec des objets de bric et de broc comme des caisses et des boîtes de conserve. Peut-être est-ce à cause de cette expérience que son tempo sera toujours si parfait ! Ils vont même avoir un jour le culot de jouer sous les fenêtres du college. Il assimilera pourtant plus tard ce premier essai, qu’ils prenaient plaisir à baptiser jazz, à une vague cacophonie.

ALL THAT JAZZ

Tandis que les nuages s’amoncellent sur la vielle Europe, avec l’invasion de la Pologne, le 3 septembre 1939 par les hordes hitlériennes, suivie de l’entrée en guerre de la France le lendemain, l’esprit de Georges est ailleurs. De Sète, tout cela paraît lointain. Et la chanson de Ray Ventura « On ira pendre notre linge sur la ligne Siegfried », veut faire croire à une résolution guillerette du conflit. Cette adaptation d’un thème américain, imaginait une ligne de défense allemande mise en pièce par les Poilus ! Du coup, Georges ne pense qu’à une chose : il veut prendre le large et se rendre dans la ville où on écoute le jazz c’est-à-dire Paris.

Brassens disait :

Dès que j’entends une musique qui me plaît, je la rumine.

Celle qu’il préfère alors est sautillante, accompagnée de paroles légères, facétieuses et coquines sur un tempo jazz invitant à danser le charleston. Les comédies musicales que l’on passe dans les cinémas de quartier ont popularisé les rythmes issus de musiques noires. Alibert, Mayol, Georgius ou Milton sont accompagnés par des grands orchestres qui ont des grilles musicales apparentées au swing et la seule différence avec le big band est la plupart du temps l’absence de batterie.

RAY VENTURA

La formation la plus renommée de l’époque est celle de Ray Ventura et ses Collégiens que Georges découvre à Paris, en 1937, lors d’un voyage en famille.

Les chaussettes de l’archiduchesse sont-elles sèches, archisèches. Pour qu’on dise cette phrase avec adresse, il ne faut pas que la langue soit sèche.

Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux, qu’est-ce qu’on attend pour faire le fête ?

Mais, à part ça, Madame la Marquise, tout va très bien, tout va très bien.

L’adoration de Georges pour cette formation est sans limite :

Pour un gala de Ray Ventura, la plus belle fille du monde aurait pu attendre toute la nuit.

Il s’imbibe de cette musique et c’est ainsi que, lorsqu’il va se mettre à la guitare, il intègrera les accords de jazz dans ses chansons.

CHARLES TRENET

Sa deuxième idole est Charles Trenet. Pour Brassens, c’était un dieu !

Victor Laville, un copain de Georges dira :

Avant qu’il n’arrive, les chansons c’était de la guimauve.

Georges est fou de toutes ses mélodies et les recopie sur un cahier. Il est temps qu’il monte à Paris : tous ces sons viennent de la capitale. Beaucoup de copains pensent comme lui mais se dégonflent, pourtant ils trouvent que ce serait formidable d’aller à Paris ensembles. Même le séducteur de la bande Louis Bestion lui fait faux bond au dernier moment en promettant de venir plus tard (ce qu’il fera d’ailleurs). C’est donc grâce au jazz qu’il va abandonner la menuiserie familiale pour la capitale.

MOUSTACHE, BRASSENS et les Petits Français

Comme le disait Jacques Brel : « C’est pas pour le texte que Sydney Bechet a enregistré La Cane de Jeanne ». L’intérêt de Brassens pour la musique de jazz a débuté à l’âge de dix ans, ce qui ne fait pas paraître incongrue sa programmation en 1951, au club du Vieux Colombier, fief des musiciens de jazz et des « rats de cave ». Il y rencontre pour la première fois Moustache, le batteur de jazz du Vieux Colombier de Juan-les-Pins mais ce ne sera que de nombreuses années plus tard, en 1976 que Moustache lui fera la promesse d’adapter et d’enregistrer ses chansons en jazz. Le disque ne sortira qu’en 1979 : il sera fait avec le groupe Les Petits Français avec Moustache à la batterie, Michel Attenoux au saxophone, Geo Daly au vibraphone, Irakli à la trompette, Teddy Martin au violon, Marcel Zanini à la clarinette. A ce groupe se rajouteront Benny Vasseur, François Guoin et Jean-Gabriel Bauzil, sans oublier Brassens et ses deux fidèles Joel Favreau et Pierre Nicolas. De plus, il fit participer cinq extraordinaires solistes américains de passage à Paris : Cat Anderson, Eddie « Lockjaw » Davis, Dorothy Donegan, Henry Sweets Edison, et Joe Newman. Les arrangements furent confiés à Michel Attenoux.

« Elégie à un rat de cave » : Cette chanson est composée par Brassens à la demande de Moustache, en hommage à sa femme Simone, décédée accidentellement en 1978. Danseuse, elle fréquenta tous les bals populaires des quartiers sud et ensuite tous les cabarets du Quartier Latin comme Le Lorientais près de Notre Dame de Paris, au sous-sol de l’Hôtel des Carmes. Ensuite elle travailla dans une troupe appelée Les Rats de Cave et partagea l’affiche de nombreux établissements avec Bourvil, Les compagnons de la chanson ou Yves Montand. L’époque du jazz et de l’existentialisme est évoquée dans cette chanson qui fait rentrer dans le temple du jazz qu’était Le Vieux Colombier où Brassens passa longtemps. Dans la foulée, les deux disques de Brassens & Moustache jouent Brassens, ont paru séparément cette même année 1979 : Georges Brassens joue avec Moustache et Les Petits Français volume 1 et 2.

REEDITION EN CD EN AOUT 1989 : les 23 chansons comme l’original

Deux ans après la mort de Brassens en 1983, Moustache publiera un nouveau 33 tours avec onze autres chansons adaptées en jazz avec Lionel Hampton, Henri Salvador, et Clark Terry. Il faut évidemment mentionner les disques de Sydney Bechet, de Claude Bolling, de Christian Escoudé, le disque GIANT JAZZ plays Brassens et l’engouement des morceaux de Brassens dans le milieu du jazz manouche (dont Rodolphe Raffali et Thomas Dutronc !). Le personnage de Brassens était lui-même très « jazz », d’ailleurs son guitariste Joel Favreau le dit

Georges Brassens est un chanteur de jazz ! 

Pour l’anniversaire des 100 ans de sa naissance malheureusement, en région PACA, il y a peu de spectacles. A Nice, la troupe des Alizés en fait deux exclusivement sur Brassens : L’un au Théâtre de l’Alphabet le 29 octobre 2021 avec Marine et Yann Fisher, José Diodoro, Bernard Teller et moi-même, et l’autre à la Galerie Depardieu à Nice le 4 décembre 2021 , puis au théâtre Francis Gag à Nice le 28 Novembre 2021 pour l’anniversaire des 40 ans de l’association, en présence de nombreux musiciens brésiliens, cubains, manouche et jazz qui l’honoreront à leurs manières.

www.facebook.com/associationlesalizes

Ecrit par Françoise Miran

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