#JAZZ&VOYAGE Jazz Tour

Par Corinne Naidet & Jacques Lerognon

On ne va pas en Louisiane par hasard. Cet état du sud engendre chez tout amateur du jazz des images de fanfares déambulant dans les rues jusqu’au bout de la nuit, à la rythmique étincelante et bruyante, des rêves de clubs où se succèdent, all night long, des groupes talentueux composés- entre autre- des musiciens maniant le washboard, le banjo. Car on est bien ici dans le mythe, la Nouvelle Orléans étant très officiellement le lieu où naquit et prospéra le jazz. Le voyageur part, il faut bien l’avouer, avec une image d’Épinal où la communauté noire, depuis les champs de coton des anciennes plantations jusqu’aux usines polluantes actuelles, se délasse et s’éclate en improvisant une jam session sur le pas d’une maison en bois. Et quand le susdit touriste débarque à la Nouvelle Orléans, imprégné des images de Katrina et ayant dévoré tous les épisodes de la série Treme, quelle n’est pas sa surprise de voir-et d’entendre- que son imagination ne lui jouait pas des tours. Voici une visite subjective en six albums et une dizaine de lieux, de la Nouvelle Orléans jusqu’au fond des bayous pour finir dans la ville de la culture et de la musique cajun, Lafayette.

Exterieur Nuit: Commençons par le passage obligé : Bourbon Street où les prostituées côtoient les texans en goguette, plus intéressés par l’alcool et le sexe que par la musique. Pourtant, les volutes d’une bonne vielle clarinette dixieland chuinte à travers la porte entrouverte d’un club réputé. Rentrons…

Non loin, dans une petite rue perpendiculaire, un des endroits les plus fameux du French Quarter, le « Preservation Hall ». Dehors, badauds et amateurs attendent le début du prochain set, l’orchestre maison est là ce soir, le Preservation Hall Jazz Band assure toute la nuit de 18 à 22h par périodes de 45′. Leur jazz traditionnel est teinté de funk quelques peu épicé à la sauce cubaine. Charlie Gabriel (85 ans) a toujours bon pied bon œil.

Preservation Hall Jazz Band : So It Is (Legacy)

La déambulation se poursuit vers Frenchmen Street, un coin de rue, un rassemblement, un Brass Band fait l’aubade aux touristes. Trompettes, trombones et tubas invoquent les dieux du jazz et de la bière. Ambiance festive, le chapeau passe, les dollars remplissent vite la casquette Nike. Cela aurait très bien pu être, le Treme Brass Band, mais ils jouent ce soir-là, non loin, au 668 sur la scène du DBA.

Treme Brass Band: Gimme My Money Back (Arhoolie Records)

 

Il est trop tôt pour se coucher. Au cœur du quartier Marigny, le Spotted Cat nous tend les bras. Le trompettiste John Zarsky et ses Trad Stars jouent une version très pimpante de « When I’m 64 » des Beatles. Un groupe jeune, sympa et rieur. Nous resterons un moment à profiter de leur jazz traditionnel des années 20-40 qu’ils préfèrent malicieusement nommer « Archaic Pop ». C’est sur le chorus de banjo de « Suck My Dixieland » que l’on se fond dans la nuit.

The Trad Stars « One Night Only » (Bandcamp) 

Extérieur Jour: La Royal Street est piétonne, des bars, des restaurants, des échoppes.  Et des musiciens. Place au blues traditionnel ou presque. Un washboard, une guitare resonator, un ampli. Des reprises, des compos. On s’arrête, on écoute, on repart puis on revient, un air connu. Non, juste le plaisir. Dans le flight case, des CD autoproduits, des billets de 1$.

Brad the Washboardist  (Youtube)

Interieur Jour: C’est l’heure d’un petit rafraichissement. Au Bamboola’s, cocktails express. Mark Rubin, un mandoliniste et un guitariste Chip Wilson, égrainent des complaintes entre blues et country. Mais le battement de pied est bel et bien swing. Mark raconte qu’il peut fait jusqu’à sept sets par jour pour gagner de quoi subsister. Il ne dédaigne pas, certains soirs, sortir son tuba pour jouer du ragtime ou dans un orchestre Klezmer. C’est aussi ça la Nouvelle Orléans.

Mark Rubin Jew of Oklahoma: Southern Discomfort (Rubinchik Recordings)

Quittons la ville pour le nord, les bayous. Rythme de vie apaisé. Un groupe de blues rock répète en plein après-midi dans un troquet sombre. Plus tard, autour d’une assiette d’alligator sauce piquante, soirée dance. Octogénaires endimanchés exécutent de belles passes de rock au son du petit orchestre local.

Enfin Lafayette et une « songwriters night » :  chacun teste ses compos devant un public bienveillant. Changement d’atmosphère, non loin. La Blue Bayou Jam Session. Jusqu’à 15 musiciens sur la petite scène extérieure. Les anciens accueillent les plus jeunes avec leur mandoline, violon ou simple paire de cuillères. L’accordéon diatonique en Do mène la danse, du cajun, de la zydeco mais aussi et en français, une petite bourrée.

Jamie Bergeron & The Kickin’ Cajuns: Your New CD! (KC Entertainment)

Laisse le bon son rouler!

 

Ecrit par Corinne Naidet

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