Label Blue Note

Blue Note

Le mythique label Blue Note vient de fêter ses 75 ans d’existence. Un anniversaire qui aura donné lieu à de nombreuses célébrations en tous genres : festivals, publications de livres ou rééditions de vinyls prestigieux.
Tous ceux qui ont un amour avoué pour le jazz se sentent redevables auprès de cette vénérable institution culturelle. Si l’on devait célébrer cet anniversaire en y voyant un mariage d’amour entre Blue Note et le jazz, ils fêteraient leurs noces d’albâtre : une pierre particulièrement noble, proche du marbre, utilisée pour immortaliser en sculpture les héros de l’Antiquité à la Renaissance, dessinant une certaine forme d’esthétisme qui servit de valeur étalon à la beauté durant des siècles. Comment ne pas y voir une magnifique allégorie à l’histoire de Blue Note, le label sur lequel a enregistré une bonne partie de ce que le jazz compte de héros, définissant à son tour une certaine idée du jazz.

Créé par Alfred Lion et Max Margulis, ce dernier quitta le navire dans les années 40, ouvrant la porte à Francis Wolf. L’association du lion et du loup allait définir durant des décennies les canons esthétiques et sonores du jazz et, au-delà même, de la culture en général, à une époque où le monde bouillonne de changements. Difficile de trouver dans l’histoire de la musique un label ayant eu une telle importance dans un courant musical aussi important et vaste que la jazz. C’est sûr, Blue Note est loin d’être le seul label, ni même le premier, pourtant son histoire et son catalogue font office de véritable « Who’s who » de la note bleue. Référence ultime à la théorie musicale de la musique afro-américaine, cette fameuse blue note, qui vient de l’expression anglaise « blue devils » signifiant idées noires, est un abaissement d’un demi ton provoqué par la rencontre entre le système pentatonique africain et la gamme tonale des européens. Cette technique donne à la musique une pointe de tristesse et de mélancolie dans le blues naissant, des sentiments puissants dans l’esprit des esclaves déracinés de leur terre Mère.

Blue Note

Alfred Lion (à gauche) et Francis Wolff (à droite) © Francis Wolff / Blue Note

 

Parti d’une définition de base du blues, puis du jazz, Blue Note en a donné une définition encore plus précise. Pendant des années, Alfred Lion enregistre tout ce qui semble swinguer et faire référence au blues originel. Francis Wolf, quant à lui photographe, profite d’un accès privilégié à l’intimité de tout ce que le jazz compte d’icônes pour se confectionner un catalogue sans égal de sublimes clichés. L’idée d’en agrémenter les pochettes ne viendra que plus tard, avec l’arrivée de Reid Miles. Ce dernier apporte une touche esthétique supplémentaire par un graphisme simple, coloré et marquant pour la rétine. Il ne faudrait pas oublier dans cette belle équipe le rôle joué par un ingénieur du son mémorable : Rudy Van Gelder. Il est le responsable d’une grande partie du « son » Blue Note dont la grande majorité des enregistrements furent réalisés dans les fameux Van Gelder Studios, situés dans le New Jersey. Plus précisément à Hackensack jusqu’en juillet 1959, puis à Englewood Cliffs.
Pour l’anecdote, Ike Quebec gravera un album entre les deux studios, commençant l’enregistrement le 1er juillet dans l’un et reprenant le 20 juillet dans l’autre, pour un bien nommé « From Hackensack to Englewood Cliffs ». Le départ d’Alfred Lion et la mort de Francis Wolf vont filer un bon coup de blues au label, mais c’était sans compter tous les passionnés pour qui ce nom et cette couleur s’apparentent à un rêve, proche du fantasme : les Vand Gelder, Cuscuna ou encore Bruce Lundvall qui redonnent vie au label, dans la première moitié des années 80.
Blue Note, qui a financé pendant de longues années les sessions des artistes, a accumulé des centaines d’enregistrements non exploités. Un gros travail de sorties d’inédits jamais édités remet le catalogue Blue Note au goût du jour, auxquelles il faut ajouter la remasterisation de certains albums classiques à la fin des années 90 par Rudy Van Gelder en personne. C’est tout le public du jazz qui remercie encore tous ces chevaliers blancs. Bien sûr on ne peut empêcher les défenseurs d’une certaine idée du jazz de grincer des dents quand le label signe des artistes étiquetés hip hop ou électronique.
Pourtant, ces nouveaux talents, amoureux et fins connaisseurs de jazz sont devenus, à leur manière, des passeurs de culture, introduisant toute une nouvelle génération dans la grande histoire du jazz, mettant aussi des noms et des visages sur des samples.
Aujourd’hui encore, Blue Note signe les artistes majeurs de la scène jazz. Chacun d’eux doit éprouver un sentiment de fierté à voir son nom accolé à ces deux mots et à toute l’histoire qui s’y attache si profondément « …depuis 1939 ».

Ecrit par Trane
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