#LIVEREPORT : Festival Les émouvantes à Marseille

C’est plein d’entrain que le chroniqueur du Jazzophone a pris le chemin de la cité phocéenne pour découvrir et vous faire découvrir, ce beau festival qu’est « Les émouvantes« . Quatre soirées de chacune deux concerts organisées par Emouvance, la compagnie du contrebassiste Claude Tchamitchian. « Le rythme de la parole » était le thème de cette 5e édition. La voix comme instrument, comme vecteur d’émotions peut aller au-delà, ou ailleurs, que le « simple » chant. Le théâtre des Bernardines était donc le lieu idéal pour accueillir ses concerts, ces spectacles.

Mercredi. Duo voix et sax ténor. Béñat Achiary et Daunik Lazro. Une heure de totale improvisation parfois supportée par un texte. Mais les deux musiciens travaillent plus sur les rythmes, le phrasé, la puissance, l’intonation que sur le sens littéral ou mélodique de leur jeu. On entendra du Garcia Lorca ou une courte esquisse du Néfertiti de Miles. En deuxième partie, on passe du duo au tentet, l’Acoustic Lousadzak de Claude Tchamitchian. Là aussi, un chant à part, celui de Géraldine Keller. Tantôt lyrique puis éthéré, il évoque à d’autres moments celui de Stella Vander. Le groupe est à géométrie variable, au grès ses trois suites de Need Eden. Réduit à un trio à cordes ou un quartet (guitare, violon alto, contrebasse, batterie) avant de retrouver tous les musiciens pour des passages aux harmonies plus complexes. Les arrangements magnifient les compositions du contrebassiste qui, avec ou sans archet, joue et dirige ce petit monde onirique.

Jeudi. Marc Ducret en solo. Guitare et voix. Un répertoire à large spectre, allant d’un texte de Kafka (Nous sommes cinq amis) illustré à la guitare jusqu’au rappel une étonnante (pour un public jazz) reprise de Todd Rundgren, en passant par deux articles du Monde, dits, joués à sa façon. Il use avec malice des harmoniques en tous genres et peut passer d’un très beau son clair à du bien crade qui fuse. Sa guitare s’envole dans des contrées inattendues. Son botlleneck sert tantôt en glissandos sur le manche tantôt de la main droite, en percussions sur les cordes prés de chevalet. Du grand art.Second set. Peut ‘on mettre en jazz, en harmonies, un discours électoral? Le tromboniste Yves Robert nous prouve que oui. On peut même y mettre de l’humour, du swing. Bien aidé en cela par un batteur énergique et un claviériste inventif.

Vendredi. La pluie s’invite aux émouvantes mais pas suffisamment pour gêner le spectacle. Pierrick Hardy Quartet joue son Ogre intact. Une guitare, une contrebasse, un violon et une clarinette ou parfois un cor de basset au son profond. Une musique très écrite, de beaux dialogues relevés par la contrebasse tonique du sieur Tchamitchian qui revenait en sideman pour ce concert.

Cette soirée s’achève avec le projet le plus original et le retour de Marc Ducret. A ses côtés, une vidéaste (Sarah Lee Lefevre) et ses images animées, un violoncelliste, Bruno Ducret et un acteur, lecteur, récitant, Laurent Poitrenaux. Ducret a deux guitares, l’une préparée, posée à plat sur une table, dont il joue avec toutes sortes d’ustensiles, un mug, un médiator, archet électronique. L’autre, celle de la veille, qu’il joue de façon standard. Si tant est que Mr Ducret joue de façon standard! Trois passages. Morse, sans voix où un point lumineux parcours l’écran. Vers les ruines, étrange histoire d’un touriste qui tente d’atteindre une impossible tour détruite et enfin Histoire, kafkaïenne vision. Peu de lumière,  en dehors de l’écran mais des sons tout autour comme un écrin. Un spectacle prenant, surprenant, envoûtant. Il restait un soirée à ce festival mais je n’aurais point le loisir d’y assister et donc de vous la relater. See you next year.

 

Ecrit par Jacques Lerognon

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