#Live Report : Peillon Jazz Festival, 30 juin et 1er juillet 2023

Deux premiers jours du Peillon Jazz Festival où toutes les couleurs du ciel et du jazz ont accueilli un public de plus en plus nombreux conquis par la qualité des concerts et la convivialité du lieu. Retour sur deux belles soirées.

Le premier soir, en première partie, cinq musiciens, comme les cinq doigts de la main. Sous la houlette de Samy Thiébault, un quintet inédit, réuni ici pour une prestation unique, inspirée par les compositions de chacun des artistes qui l’entourent : Felipe Cabrera à la contrebasse, un vieux complice mais aussi Jeanne Michard au saxophone ainsi que Carine Bonnefoy au piano et Julie Saury à la batterie,

qui nous fera le plaisir de partager sa première composition au titre très explicite Laissez-moi : à bon entendeur, salut !

Dès le premier morceau, on sent que le collectif joue pour et avec les autres, que chacun a le plus profond respect voire admiration pour les autres. Et cela fonctionne, des rythmes qui swinguent sur des airs de samba ou de tango, comme le très beau morceau de Jeanne Michard, extrait de son album Songes transatlantiques, Cavalcada ou bien encore Harufe, de Felipe Cabrera, hommage du contrebassiste au trio qu’il forme avec Julie Saury et Carine Bonnefoy. Arrangements brillants, dont la pianiste est souvent à l’origine, les chorus et les enchainements semblent répétés, mitonnés alors que ce quintet est une formation éphémère pour cette manifestation. Mais qui sait, ce set leur a peut-être donné des idées !

Samedi soir, les spectateurs ont droit à deux premières parties : et ce sont les organisateurs, Alban Leloup à la contrebasse, Thomas Layrac au piano en compagnie de Thierry Chausse à la batterie qui se lancent sur scène pour une heure de pur plaisir :

de vieux standards, mais aussi une très belle revisitation d’un morceau de Sting, Fragile. Et c’est la marque du festival, que ces amateurs – au sens noble du terme- soient rejoints tour à tour par les pros Christophe Lampidecchia puis Pierre Bertrand, devenus au fil des années des amis de cette manifestation qui génère des rencontres. Nous n’oublierons pas de citer le jeune guitariste Maxime Garziglia, il semble bien qu’une belle carrière attende ce musicien.

Deuxième set alors que la nuit tombe, et que les festivaliers ont pu se régaler d’un foodtruck argentin ou bien de spécialités provençales, l’accordéon, une constante dans ce festival, fait de nouveau son apparition dans les mains de Christophe Lampidecchia entouré de l’excellent guitariste Jean-Marie Ecay, du non moins talentueux bassiste Kévin Reveyrand et de l’exubérant et génial batteur et percussionniste Minimo Garay.

Les premières notes flirtent avec le musette, mais lorsqu’elles sont soutenues par les accords de la guitare de Jean-Marie Ecay, l’on sent bien que ce quartet va nous faire voyager dans bien des destinations.

A commencer par l’Amérique du Sud, le tango n’est jamais loin comme dans ce bel hommage à Astor Piazzola, King tango. L’ambiance s’échauffe pour exploser lors du concerto pour Matisse et surtout du speaking tango élaboré, improvisé, joué par un Minimo Garay en pleine forme.

Lors de ces deux soirées, les dernières parties furent consacrées à deux chanteuses, très différentes mais que la générosité et le talent -ainsi que les talons dorés- réunissent. L’une, Robin McKelle, explore les racines du jazz avec un projet autour de Ella Fitzgerald, alors que China Moses plonge dans sa propre histoire qui télescope celle de la musique afro-américaine. Vendredi soir donc, Robin McKelle nous convie dans ses Impressions of Ella entourée du pianiste Jonathan Thomas, Eric Wheeler à la contrebasse et de Jonathan Barber à la batterie.

Une section rythmique classique pour accompagner des compositions comme Taking a chance of Love de Duke Ellington jusqu’à April in Paris en passant par des morceaux composés par Georges Gerschwin. Tous ont été superbement interprétés par la chanteuse noire américaine disparue en 1996, et c’est toute la subtilité du projet que de ne pas faire à l’identique ou tenter des arrangements hasardeux. La voix de Robin McKelle plane ainsi sur les compositions, respectant les enregistrements originaux avec légèreté et souplesse.

Beaucoup de travail sourd à travers les scats langoureux parfois, la plupart du temps survitaminés, qui passent d’une compo à une autre, laissant de la place au trio de musiciens qui assure  une rythmique parfaite.

Samedi soir, le public est d’abord ébloui par la tenue colorée de China Moses.

La chanteuse n’a pas fini de nous étonner. Elle va effectivement nous raconter des histoires, avec ses mots, avec sa voix chaude emplie d’émotion. Un trio à cordes revisite anciennes et nouvelles compositions, les archets du violoncelliste Guillaume Latil et de la violoniste Héloïse Lefebvre se mêlant harmonieusement à la contrebasse de Jason Weaver.

Tony Tixier égrène les notes sur son piano accompagnant la chanteuse dans ses blues douloureux aussi bien que lorsque, assise, ramassée en une boule de tendresse et d’émotion, elle susurre J’ai deux amours de Joséphine Baker. China Moses sait mêler comme personne sa vie intime avec l’histoire de nos sociétés, déchirante lorsqu’elle nous parle du Bataclan,

lucide en évoquant l’addiction à l’alcool, coquine lorsqu’elle raconte Dinah Washington et ses sept maris. Du rap à la pop, du R’n’B à la soul, du blues au swing, elle se livre avec générosité et pudeur. Cette nouvelle formation, n’a, semble-t’il, pas encore trouvé de label :  avec des concerts comme celui-là, nul doute que nous trouvions bientôt un nouvel album de cette auteure-compositrice hors norme.

Las, il est minuit, les hauts talons de China résonnent une dernière fois sur scène,

et le public va tranquillement descendre grâce aux bénévoles, toujours gentils et souriants, dans la vallée. Ils pourront retrouver la très belle place de Peillon dès le lendemain puisque ce festival, le plus perché de la côte, comme l’annoncent les affiches, s’étale sur quatre soirées. Les étoiles vont apprécier !

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Ecrit par Corinne Naidet

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