La cour 17 ème siècle murmure. Auditeurs.trices ont regagné leur siège après le concert préambule de Salma Quartet issu de la riche pépinière de la scène jazz marseillaise. Pour cette deuxième soirée du Marseille jazz des 5 continents à la Vieille Charité, Youn Sun Nah est attendue. La chanteuse, auteure-compositrice et interprète, est parmi les voix du jazz contemporains les plus admirées. Primée à l’international, elle est définie par ses pairs comme une chanteuse impressionniste maitre dans l’improvisation abstraite.
Ce soir, la sud-coréenne se produit en trio accompagnée au piano par Éric Legnini et, aux claviers par Tony Paeleman qui opère entre autres sur la scène électro. Les 2 musiciens alterneront aux claviers et pianos ainsi qu’à la Machine pour les accents électro du projet choisi pour ce projet. Au programme, un répertoire inédit et des reprises de standards de son dernier album « Elles », sorti en 2024.
Youn Sun Nah arrive souriante et salue son public avec la simplicité qu’on lui connait. En arrière-plan, les arches des coursives s’empourprent. Les premières notes délicates d’Éric Legnini et Tony Paeleman plantent le décor. L’air est moite. Youn Sun Nah fait tinter sa kalimba du bout des doigts. Premières mesures de “Feeling Good” de Nina Simone. Une chanson qu’elle nous interprète toute en légèreté. Puis la mélodie s’estompe à l’entrée de la percussion Libertango du piano de Legnini “I’ve never seen that face before” de Grace Jones. La machine libère ses sons synthetiques. Youn Sun Nah chante, monte dans les aigus et improvise impressionniste au-dessus des notes glissées de Legnini. L’artiste coréenne rend ici hommage aux femmes qui ont marquées sa musique mais également sa vie. Jazz. Pop. La chanteuse explore et amorce “White Rabbit de Grace Slick” de Jefferson Airplane.
Une pause pour nous annoncer Asturias ; qu’elle va “essayer de chanter” nous dit-elle. Le morceau est un défi de performance vocale brodée à la composition exigence d’Isaac Albéniz. Impossible de raconter tant elle joue de ces propositions incroyables, fine dans la formulation. Gorgée d’air qu’elle détient on ne sait où, elle glisse d’une mélodie à l’autre et de conclure sur une note angélique défiant l’éternité. C’est un moment unique. Dans la lumière scénographiée, le trio enchaine les morceaux. La voix de Youn Sun Nah revisite intimiste Norma Winstone puis Maria João… Ses vocalises abstraites s’élèvent parfaites surprenant notre écoute. Lorsque les 2 pianistes s’effacent ; la soliste, une boite à musique coloré en main entame une composition vocale délicieuse dentelée de notes métalliques. La manivelle d’acier menée par l’artiste déroule une langue de papier entre les phrases de la mélodie. La nuit s’est tue. L’auditoire est absorbé par cet instant onirique et subtil.
Retour en trio, des mesures jazz bien fournies changent le tempo. Duo piano-chant avec Tony Paeleman. L’imminente fin du concert se fait entendre « Je vais vous chanter la dernière ou peut-être pas. » dit-elle amusée après nous avoir remerciés d’être restés jusqu’ici. Mais comment aurions-nous pu quitter cette espace mélodique enchanteur dans lequel elle nous avait invités. Tous.tes se manifestent : « Encore ! encore ! » Premier rappel, l’artiste chante, percute, s’envole. L’ambiance nourris de chaud applaudissement l’ovationne durant plusieurs minutes. Et nous offrira plusieurs rappels.
L’artiste revient « merci de nous avoir rappelés » dit-elle. Bouquet de fleur déposé sur le piano. « Je vais jouer le vrai dernier morceau ». “Jockey full of Bourbon” de Tom Waits jusqu’à l’imitation vocale. Les spectateurs debout sont chauffés à blanc. Et les revoilà ! “My Funny Valentine” aux sons Électro ! Le public en veut encore et pour le vrai final ce sera “Sometimes i feel like a motherless child” de son album Waking World. Merci Madame Youn Sun Nah.. Merci messieurs Éric Legnini et Tony Paeleman. C’était Grand.
Photos : Lawrence Damalric & Clara Lafuente / Marseille Jazz des Cinq Continents