Michel SARDABY : L’Art et l’Élégance

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Allez donc savoir pourquoi tous les amateurs de musique ont cette impression ; et les amateurs de Jazz plus encore peut-être, que les musiciens qu’ils aiment ne bénéficient pas d’une renommée à la hauteur du talent qu’ils leur prêtent. À tort souvent, et parfois avec raison.

Avec raison je crois en ce qui concerne Michel Sardaby, certes connu en France de façon légitime, mais très confidentiellement par rapport au Japon par exemple ou son aura touche au mythe. Ses disques, quasi introuvables — sauf à connaître un collectionneur maniaque qui vous ne les vendra pas ; ou chercher sur le Net et les trouver à un prix prohibitif — ne facilitent pas à la célébrité de ce pianiste plus que remarquable.

Michel Sardaby  donc, né en Martinique à Fort-de-France en 1935, fils d’un vendeur de pianos, il étudie et joue de l’instrument très tôt, dans une société ou la musique est omniprésente, mais plutôt sous la forme de béguine ou Classique; il va vite se diriger vers le boogie-woogie ou il excelle. Ses études d’art appliqué terminées en Martinique, il va se retrouver en Métropole, admis à la prestigieuse école Boulle de Paris et obtenir son diplôme.

Oui, mais voilà, à Paris à cette époque le jazz bouillonne. Notre ami déjà virtuose, mais faible en solfège, prend des cours le soir, et commence à jouer avec des musiciens martiniquais qui se produisent à ‘’La Cigale’’  ce haut lieu du jazz parisien : sa carrière démarre. Il joue avec Dexter Gordon, T-Bone Walker Kenny Clarke, Ben Webster, J.J. Johnson, Chet Baker, Jimmy Gourley ainsi que des pointures françaises comme Guy Lafitte Pierre Michelot et autres…

1965 voit l’enregistrement de « Blue Sunset » sous le label Henri Debs, autre antillais ; avec Philippe Combelle (drums) et Bibi Rovère (Bass) ; dans le morceau éponyme on sent déjà un jeu épuré, une technique rare, mais au service de la mélodie ; ce que sera désormais pour toujours le crédo de Michel Sardaby : la dignité de la musique,  être au service de celle-ci, ne jamais aller vers ces formes faciles un peu brumeuses de ce jazz qui parfois oublie le travail et l’humilité. Humilité, l’homme est humble en effet ; il transmettra, c’est sa passion, les connaissances musicales qui font de lui un compositeur fin, à la subtilité aiguë, avec un doigté raffiné et pourtant énergique, né dans le blues, un art maitrisé et apaisé.

Suivront alors des albums toujours musicalement réussis de la part de ce surdoué, entre autres : en 1974 « Michel Sardaby à New-York » en 1976 « Gail »  (Ces deux disques prix Boris Vian) en 1984 « Caribbean duet », avec Monty Alexander en 1984 « Voyage » avec Ron Carter en 1996 « Plays classics and Ballads »—1992 « Straight On », en quintet…

En 2006 un superbe double album live « Night in Paris » avec Reggie Johnson, et John Betsch pour ses 70 ans et enregistré à « L’archipel ». 2012 verra la parution d’un album autoproduit « The art of Michel Sardaby » une très belle sélection tirée de sa discographie, avec des morceaux d’élégance pure qu’il a lui-même composés : ‘’Song for my children’’, ‘’l’Am free again’’ (avec Percy Heath – jolie ligne de basse – et Connie Kay à la batterie) et quelques ballades inspirées par Dexter Gordon et Kenny Clarke.

Nous l’avons dit : humilité, pudeur, chez ce pianiste plein de délicatesse, créateur d’instants de grâce qui restent profondément gravés en nous, plutôt que des cathédrales vite oubliées.

Prêtez-lui l’oreille ; en ces temps de démence barbare, vous verrez, ça fait du bien.

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Ecrit par Jean Bellissime
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