#LIVEREPORT : Mulatu Astatké : le Printemps des Nuits du Sud

Le vendredi 7 avril dernier, le Printemps des Nuits du Sud a offert aux spectateurs azuréens un rendez-vous précieux : la programmation de l’élégant Mulatu Astatké, père fondateur de l’éthio-jazz. Du haut de ses 74 printemps, le fringant vibraphoniste s’est présenté au public Vençois sur la belle scène de la place du grand jardin, pour un voyage musical des plus dépaysants.

Le parcours de Mulatu Astatke est exaltant à plus d’un titre ; né en Ethiopie, Il part étudier aux Etats-Unis en passant par l’Angleterre, pour devenir le premier étudiant Africain intégrant le prestigieux Collège de Musique de Berklee, à Boston, dans les années 60. Après la découverte du jazz et la rencontre de ses musiciens, il joue avec les plus grands, puis fonde un nouveau mouvement : l’éthio-jazz, qui mêle le jazz à la musique traditionnelle éthiopienne. La fusion de ces deux influences était loin d’être évidente, se rappelle son fondateur : « C’est un exercice périlleux de rassembler les gammes sophistiquées du jazz – à douze tons – et les gammes pentatoniques de la musique éthiopienne si l’on veut éviter de dénaturer leur beauté. Mais j’ai réussi cette prouesse il y a 53 ans, lorsque j’étais à New York. »1


Le résultat de ce métissage est un groove irrésistible et envoùtant, tout empreint de la grâce de cette terre d’Afrique à laquelle Mulatu Astatke ne cesse de rendre hommage. Un hommage à l’Afrique en tant que terre d’une fertilité créatrice sans bornes : car l’intérêt du compositeur ne se limite pas aux frontières de l’Ethiopie : rythmes d’Afrique de l’Ouest succèdent aux influences latines et au jazz, bref, à tout ce que la diaspora africaine a pu essaimer comme innovations stylistiques, dans l’espace et dans le temps. Parmi les compositions les plus fameuses interprétées hier soir devant le public des Nuits du Sud, citons Tezeta (Nostalgia) et Yegelle Tezeta, portées par un ensemble instrumental d’une grande virtuosité. Mulatu, alternativement au vibraphone, au tom et aux congas, dirige et met en lumière le jeu de ses musiciens avec bienveillance et solennité. Une présence solaire, témoin légendaire d’une des plus belles partitions écrite ces 50 dernières années, qui nous a offert un moment d’enchantement rare.

  1. Le Monde, le jazz éthiopien ne meurt jamais, 18/03/2016

Ecrit par Benjamin Grinda

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