Parole de Jazz #1

I gotta keep movin

I gotta keep movin,

Blues falling down like hail

Blues falling down like hail…

hellhound on my trail…

Tous les clebs de l’enfer au trouf !

Le blues… Le blues à ses raisons… 

Prendre La tangente en est une. Carrer en chanson, Loin de l’enfer… Alors qu’on est déjà tout enfer soi-même, tout blues jusqu’à l’os, que la moelle a tourné fiel… Trouver encore on ne sait où la force de chanter.

Mais pour nous qui ne chantons plus depuis des payes, ça évoque quoi cette ritournelle ? Un fossile ? Une impression. Un fond sonore. Un grincement lointain. On ne sait pas, ou trop peu. Au mieux quelques noms, quelques grandes lignes, une vasouilleuse idée empêtrée de stéréotypes. Juste une rengaine de bouseux au siècle du progrès… Musique de « nègres » … musique du diable…  « Black music » en français… Faut être juste ! On n’en sait rien de ce procédé alchimique qui teint le malheur en bleu.

On peut qu’écouter… Percevoir au fond du cirage la plainte des innocents, déportés d’un continent l’autre, vendus tels bestiaux, traités « moins qu’un chien », a larder dans les plantations, les pires conditions… a adorer le Jésus vaudou dans les transes de Pentecôte entre viols et chicote, et puis viol et pendaisons, et re-viol et re-fouette, et puis tout en même temps ! Orgies de malheurs ! Perpétuels souffrants, souriants suants, dansants ! Des cyclones dans les miches ! Amen! Alléluia ! Alabama ! Peaux de boudins viandes a matraques et strange fruits ! Voilà ! Black Brown & Beige. Amen ! On sait rien nous. C’est pas nos misères. Faut tendre l’oreille… Entendre un souvenir à la traîne… Un Folklore de souffrance… Des miettes d’Afrique sur un Charnier d’Indiens… America ! Swing low, sweat chariot, Coming for to carry me home…

Exilés des 4 mondes, tout ahuris, crèves la dalle, troubadours à misères du Far West ! Le blues c’est pas que des notes, des mots… C’est une synthèse de toute la caille au cul des amerloques. Une somme de mélodieuses pleurnicheries au joyeux pays du dieu dollar, un imprévu dans le programme, une écharde dans le pied de Liberty ! Et de là-haut elle voit tout la Française.

Debout elle gaffe Nouilleorque. 100 longues et des bananes qu’elle voit le monde entier radiner a la lumière de son petit flambeau. Pas rigouillarde du tout … C’est pas la Joconde. Bras en l’air et moufte pas. Mais elle sent ! Je suis sûr ! Oh là cette odeur ! Pas possible qu’elle fleure pas ce parfum… Juste là, sous Wall Street, Dauffe la mort! C’est pas à renifler ! C’est que ça cogne infect, des victimes par millions ! Que dis-je millions… des génocides de toutes les tribus de toute la nation indienne, des triangulations d’esclaves, des Sécession War, des Vietnam War, des Gulf War, des j’paye pour War ! Pardon ! Pardon ! Oui, je sens bien que je vous plombe avec mes réflexions moroses… et puis je digresse… Alors enfin voilà ! On peut bien se commettre en efforts d’imagination, bigler films et documentaires, apprendre par cœur toutes les bio, bégayer toutes les pentatoniques du monde, on en saura pas beaucoup plus, because il nous manquera toujours l’odeur ! Le blues, ça se renifle en même temps que ça s’écoute. Avec la truffe ! Alors, soyez chien ! C’est le grand Retour à l’instinct ! Pour sentir au fond du son et des mots l’odeur de la haine et de l’injustice.

D’ailleurs la misère sans odeur sans haine c’est jamais que du stéréotype ! Vrai ? Storytelling ! Du gnangnan cliché… Ça pue moins que la réalité le cliché. Et puis c’est « easy »… Easy Listening, watching, learning, merchandising, easy tout!

Au poil pour les feignasses, Hollywood à la rescousse ! Qu’on voit un peu ! Sans trop s’agacer le système ! Qu’on s’émotionne !

Biche mon p’tit cœur ! « Buy » me a river ! Cry me a Mississipi ! Qu’on pleure oui ! Mais de bonheur ! En crocodiles.

Et puis tant qu’on y est, cliché dans l’autre, on s’enfile du blues proto historique au jazz moderne. Choubidouwap ! bop sheebam ! Toujours des photos, des biographies, des films … Ze Bird etcétéra … Belles images ! Mais on sait toujours rien… C’est terrible c’est d’ailleurs encore plus vicelard because plus intime. Carrément bignoles (ou « Concierges » pour cézigue qui n’entrave pas l’argot)  les plus grands artistes du siècle observés par le trou de la serrure…

Bop à la shooteuse ! Maestros camés à zéro! Divas au tapin ! Souffrants toujours … Certes moins souriants, et pour cause… À force de mijoter dans le malheur… De dérouiller a toutes les sauces… De s’enrôler sous les drapeaux, d’aller flinguer les croix de fer en Europe pour se faire repoisser par les croix de feu aux ZameriKKK… Pas de quoi se taper sur le bide !

Hellhound on my trail…

I gotta keep movin’…

Alea Jactaress !
À Suivre…

Ecrit par Sébastien Chaumont
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