#SURLAPISTEDUN33TOURS Brigitte Fontaine « Comme à la Radio »

Sur la piste d’un 33 tours par Benjamin Grinda

 

 

Brigitte Fontaine, Comme A La Radio, Saravah records, 1970

Comme À La Radio n’est pas un disque de jazz à proprement parler. Creuset de multiples influences, cet album paru à l’issue d’une série de concerts donnés par la poétesse entre 1969 et 1970 est une rupture, une mise en acte engagé, une oeuvre d’art totale. OVNI musical, il parle pourtant du Jazz, comme de toutes les musiques rebelles, en réhabilitant leur vocation subversive.

Connue pour son humour grinçant depuis son premier opus signé chez Saravah en 1968, Brigitte Fontaine est … Folle, le second projet de la chanteuse porté par le label libertaire s’annonce révolutionnaire. Entourée d’Areski et de Jacques Higelin, Brigitte Fontaine est également accompagnée de l’Art Ensemble Of Chicago, quatuor de musiciens noirs américains récemment installé à Paris. Leur philosophie épouse une liberté d’expression totale, représentative de leur conception du jazz : « le Jazz signifie simplement la liberté de prendre de multiples formes ».1

Mélange d’influences, de performance artistique et d’improvisation, leur collaboration scénique aboutit à la conception de l’album, où se mêlent folk, free Jazz, musique orientale, art brut et talk over. Les compositions musicales débridées et les textes hallucinés assènent la folie d’un quotidien qui régit notre monde somnambule. Comme À La Radio est une aventure épique, vouée à sortir l’auditeur de sa propre torpeur, celle qui rend sourde, aveugle et muette. Brigitte Fontaine décoche ses flèches poétiques comme autant d’aiguillons acérés destinés à réveiller les consciences. D’un point de vue formel, le résultat n’est ni éclectique, ni une fusion : c’est un réarrangement, qui outrepasse les formes musicales les plus cadrées pour proposer une « matrice de créativité » dans la lignée de la Great Black Music.

Brigitte Fontaine est … folle? Pas tant que ça. Sous ses airs délurés et fantasques, la diva loufoque a bien la prétention d’être normale. Qu’est-ce que la frontière entre le normal et le pathologique, à l’aune de notre monde ? Sans doute de refuser la perversion d’une société du pousse-au-jouir, habitée par un art du bluff permanent. « Ce que nous faisons, ce n’est pas de la musique-objet. Dans mes chansons, le texte est capital, mais il ne sert à rien. La musique seule peut le faire vivre. Quand je chante, ce n’est pas un concert, ce n’est pas un récital, c’est un drame. » 2

Playlist :

Comme À La Radio

Tanka II

Le Brouillard

J’ai 26 Ans

L’Été l’Été

Encore

Léo

Les Petits Chevaux

Tanka I

Lettre à Mr Le Chef de Gare de la Tour de Carol

1Duke Ellington, cit., 1947

2B. Fontaine, Le Monde, 1970

Ecrit par Benjamin Grinda

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