#LiveReport : Peillon Jazz Festival – Faugloire – Viale

Première soirée pour cette deuxième édition du festival de jazz à Peillon intitulé « Peillon garde ses Marc » – on se souvient que ce festival est aussi un hommage au contrebassiste Marc Peillon – sous le signe de l’éclectisme et de la diversité.

En concert d’ouverture le Benjamin Faugloire project autour du dernier album « L », enregistré par le trio composé du batteur Jérôme Mouriez, du contrebassiste Denis Frangulian et du pianiste Benjamin Faugloire. A la tombée de la nuit une baguette lance le rythme sur la caisse claire rapidement suivie de notes égrenées au piano puis à la contrebasse. Chacun semble dans une bulle, une intériorité sereine mais rapidement les bulles éclatent pour se rejoindre, enfler en un tempo de plus en plus rapide, une pulsation que partagent les trois instruments pour un univers sonore éthéré et aérien. Les morceaux se succèdent, pour la plupart extrait de leur dernier album, comme Pianocello ou encore Bunker. Et à chaque fois, c’est une nouvelle histoire qu’ils nous content, en maîtres du temps et de l’espace.  Les trois complices – l’amitié, la connivence se sentent à chaque morceau – sont tour à tour dans la retenue, semblant économiser chaque note pour mieux nous la faire savourer puis le rythme s’accélère, les sons se mêlent, s’emmêlent en un crescendo qui transcende chacune des compositions et multiplie les émotions. Car là est leur réussite, cette émotion palpable à chaque instant, comme ce cœur que l’on sent battre et palpiter dans Rendez-vous, ou ces paysages sonores que les trois virtuoses créent du bout de leurs doigts dans Lisboa et Fireflies. Un premier set vraiment époustouflant, qui laissera des traces dans les mémoires.

La fraîcheur s’installe sur la place de Peillon, ainsi que les « Rêves Bohémiens » : ceux des musiciens rassemblés autour de Frédéric Viale  pour un hommage à Jo Privat : d’ailleurs, c’est la voix gouailleuse de l’accordéoniste qui raconte “sa” rue de Lappe et Ménilmuche qui entame le bal. Place ensuite à la musique et donc, honneur aux Rêves bohémiens et autres compostions de Privat que revisite intelligemment Frédéric Viale accompagné de David Kuszowski et  Sacha Ekizian (guitares) ainsi que de Eric Fassio (contrebasse), spécialistes du jazz manouche. Le dynamitage de chacun des morceaux est assuré par le clarinettiste (mais aussi flûtiste) Stéphane Chausse dont le son s’accorde parfaitement à celui si particulier du piano à bretelles. Nous remontons le temps, presque un siècle, pour se retrouver en compagnie de ces cinq musiciens transportés, au bal musette, dans les guinguettes, bien loin certes des clubs de jazz enfumés de Saint Germain des Prés quelques années plus tard. Et pourtant, la filiation est évidente et le swing instillé par chacun des cinq musiciens montre à quel point ces thèmes qui pourraient passer pour surannés peuvent inspirer un jazz convivial et populaire. En fin de concert, avant le final, Frédéric Viale a réservé une surprise aux spectateurs, lorsque, avec une lenteur calculée, il sort un instrument étonnant : le mellowtone, un hybride entre l’harmonica et l’accordéon, aux sonorités tout aussi métissées pour interpréter un standard de 1953 (encore le siècle dernier !) Etranger au Paradis, inspiré par un opéra de Borodine, que chacun ignore mais que tout le monde connait.

La soirée s’achève sur un dernier morceau plébiscité par le public. Peillon Jazz Festival 2022 aura une nouvelle fois prouvé que le jazz, ce n’est pas que dans certains endroits courus de la côte. Cela vit, cela pulse, cela innove sur la place des villages perchés. Comme le rappelait Frédéric Viale dans ses remerciements, une musique populaire à la portée de tous.

Ecrit par Corinne Naidet

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