Gato Barbieri – Le Jazz et le chat argentin

Ca commence souvent comme ça : j’avais un copain qui… Et bien, justement, ça a commencé comme ça, un copain déjà féru de Jazz et moi qui n’avais pas encore franchi le Rubicon, je découvrais, je tâtonnais, j’expérimentais, et puis le choc : sur sa chaine B & O (un peu frimeur le copain), une musique syncopée, latine, prenant aux tripes, je regarde la pochette sur le sol : Gato Barbieri ; la vague m’a emporté.


Aujourd’hui encore, parfois, la nostalgie est là, je frissonne, ma jeunesse revient grâce au Chat. Et pourtant, pourtant, il me semble que l’on a quelque peu oublié l’importance de cet Argentin au talent fou.

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Résumons, rappelons : Léandro (Gato) Barbieri, né en Argentine en 1934 (à Rosario comme le Che !), découvre le sax ténor auprès d’un oncle et en écoutant Charlie Parker, joue d’abord du ‘Réquinto’ (flûte), avant de se mettre au sax ténor.
En 1953 il joue dans l’orchestre de  ; il part ensuite au Brésil et en Europe où il rencontre Don Cherry, collabore avec Carla Bley et Charlie Haden. En 1968 (tiens, tiens…) duos avec Dollar Brand qui le mènent à plonger dans ses origines sud-américaines ; désormais ses morceaux vont intégrer le tango, la milonga et bien d’autres influences du sud, la lave, la brûlure, la fougue, la sensualité, venues de ce monde tiers comme l’on disait alors.
Dès lors, sa musique va sans cesse jongler entre le free-jazz et les lignes mélodiques de la musique traditionnelle sud-américaine, un peu par goût, par contestation, un peu par provocation (le free-jazz, alors, n’est guère bien vu dans cette Amérique du sud aux tendances droitières dures) son opus « El Pampero » en 1971 en est la subtile fusion. En 1972 c’est la brûlante contribution au film « Le dernier tango à Paris ».
En 1974 débute la série qui va le rendre star avec « Chapter one : Latin America ». Suivront trois autres ‘chapitres’ dans lesquels on pourra savourer sa furia inspirée par Pharoah Sanders et où l’on pourra constater que les instruments traditionnels tels le Bandonéon, le Cavaquinho – il les détaille dans « To be continued » morceau qui clôt ‘Chapter one’ – loin d’affadir cette musique vont la sublimer, et créer la légende du «Gato» sur le plan international. Il participera à des sessions ou albums avec Joe Beck, John Abercrombie, Stanley Clarke, Ron Carter, Lenny White, Nana Vasconcelos, Airto Moreira, James Mtume, et s’offrit une collaboration suivie avec Lonnie Liston Smith le pianiste, en particulier sur « Bolivia » un de ses albums les plus aboutis. En France, le soir tard, un feulement envoûtant nous fait frissonner : « Europa » le générique de l’émission nocturne de J.L. Foulquier où Gato réinterprète Carlos Santana. Depuis affecté par des problèmes familiaux graves il a cessé la musique longtemps ; il est revenu à 70 ans dans un style plus smooth-jazz pour un public beaucoup plus ‘large’, dirons-nous…
Que l’on sache pourtant qu’il a marqué par son style, par sa subtilité mélodique brisée entre la violence, l’improvisation et l’écriture stricte, le Jazz de ces années-là, et qu’il faudrait réécouter d’urgence ses albums.
Hasta siempre companieros !

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Ecrit par Jean Bellissime
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