Jazz & Politique « Not in our name »

« Not in our name ! »

Octobre 2016, Impulse édite  l’album « Time/ Life. Songs for the whales and other beings, Charlie Haden Revolution Music Orchestra« , qui contient l’un des derniers appels du célèbre contre bassiste, décédé en 2014, en faveur des combats écologistes, long titre qui « en dit long » sur une histoire musicale et citoyenne commencée 47 années auparavant. 

Charlie Haden, qui a déjà fortement marqué les clubs et les labels américains, en se produisant auprès d’Ornette Coleman et de Keith Jarret, a un peu plus de 30 ans, lorsqu’il réunit, en 1969, autour de lui et Carla Bley, onze musiciens, dont Gato Barbieri, Dewey Redman, Don Cherry, Michael Mantler, Roswell Rudd, Howard Johnson, Sam Brown, Paul Motian,  pour donner naissance au Revolution Music Orchestra.

Ils illustreront, dans ce premier album, gravé chez Impulse,  par des emprunts à Bertolt Brecht, des chants directement liés aux brigades internationales engagées pour la démocratie lors de la guerre civile espagnole de 1936, des hommages  au « Che », à Dolores Ibaburri, inspiratrice de la République espagnole contre le fascisme,  pour finir par l’hymne de toutes les marches pour les Humans Rights « We shall overcome », leurs engagements plus que soutenus et affirmés, sous l’administration républicaine de Nixon et du spectre de la guerre au Vietnam, à l’ensemble des mouvements de libérations nationales et démocratiques à travers le monde. Mais ils n’en resteront nullement là.

En 1982, subissant de plein fouet l’administration républicaine de Reagan, toutes ses compromissions, en Amérique centrale et latine, auprès des escadrons de la mort, en appui aux régimes dictatoriaux et par voie de conséquence aux cartels de la drogue, Charlie Haden décide de s’en exprimer fortement et publiquement. Il réunit donc à nouveau le  Liberation  Music Orchestra,  neuf musiciens (dont  quatre de la première formation),  autour de Carla Bley, pour  presser sous le label EMC « The ballad of the fallen », élu « Jazz album of the year » par le magazine Down Beat. Hymne national de la Catalogne, hommage aux victimes au Salvador, chants de résistance de la guerre civile espagnole, des résistants portugais à la dictature de Salazar, des résistants chiliens à la dictature de Pinochet. « El pueblo unido, jamas sera vencido » : rien d’équivoque dans ces emprunts. Non plus que dans « Silence »  qui clôt l’album et dont Charlie Haden dira : « Cette chanson a été écrite avec la pensée qu’il y a des possibilités infinies pour l’Humanité contenue dans l’éclat de l’Univers ».

1990. Convoquant les fidèles Paul Motian et Dewy Redman, y associant  Brandford  Marsalis et Ray Anderson, ce ne sont pas moins de 14 musiciens, accompagnés du Choeur d’Oakland, qui se réunissent à nouveau autour de Charlie et Carla, et donnent naissance, pour le label Blue Note, au troisième album du Liberation Music Orchestra : « Dream kepper » -Gardien de Rêve-, qui reprend le titre d’un recueil de poèmes de Langston Hughes, et dont la pièce musicale centrale, Nkosi Selelel’l Africa, n’est autre que l’hymne du Congrès National Africain. S’ajoutant  à cette évidente référence aux combats contre l’apartheid mené en Afrique du Sud, alors que Nelson Mandela y est encore emprisonné, les chants salvadoriens enlacés par les gospels, font donc de ce troisième album un immense hymne à tous les combats démocratiques, qui ont bien du mal à trouver leur souffle sous l’oppressante présidence de George H.W Bush et ses régressives politiques sociales.

De même lorsqu’en 2004, sous Georges.W.Bush, les Etats Unis d’Amérique n’en ont pas fini avec leurs démons et leurs cauchemars, le  Libération Music Orchestra reprend encore ses cuivres, ses anches, ses peaux, ses cordes, ses claviers,  et repart au combat musical, s’appropriant le slogan créé en 2002 par l’organisation NION (dissoute en 2008) : « Not in our name », pour protester contre toutes les ingérences militaires et meurtrières des USA, hors de leurs frontières. Pat Metheny, compagnon, avec Charlie Haden,  de duos primés et fortement plébiscités  par le public  international, y occupe, avec «  This is not America «  et 11 autres musiciens, toujours sous la direction orchestrale de Carla, une place de choix.

Et c’est sous la direction orchestrale de celle-ci qu’aujourd’hui, encore, célébrant la mémoire de leur fidèle compagnon de route musicale et citoyenne, Charlie Haden, les musiques du Liberation  Music Orchestra remplissent les salles, devant un public averti et comblé.

«We want the world to know, however, that the devastation is weaking in not in the name of many people in this country”.

http://www.charliehadenmusic.com/music/liberation-music-orchestra

Ecrit par Sylvette Maurin

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